Après l'amour, le désamour. Pourquoi ?
Nous éprouvons tous le besoin d'être heureux. Et parmi tout ce qui peut nous rendre heureux, chacun en aura fait l'expérience, c'est tomber amoureux[1]. L'état amoureux nous projette hors des contingences, hors de nos limites, un espace nouveau s'ouvre en nous et le ciel semble être enfin à notre portée. Inutile de développer : les poètes ont largement décrit ce phénomène exaltant et unique…
Dès lors, comment se fait-il que cet envol ailé, le plus souvent s'achève par une plongée à la Icare, plus ou moins lamentable et terriblement décevante ? Là encore, les écrivains n'ont pas manqué d'inspiration[2]…
Le paradis était à notre portée et nous voilà sinon en enfer, tout du moins redescendu lourdement sur une terre brûlée… Comment expliquer qu'au sentiment d'unité des débuts, succède un sentiment d'exil et de solitude?
Le choc est d'autant plus rude si nous sommes dans une sâdhanâ…
Prétendre cerner les raisons menant à un échec amoureux peut sembler une gageure, tant ces raisons apparaissent nombreuses. Pourtant, à y regarder de plus près, il n'y en a qu'une seule dont découlent toutes les autres…
Une machine infernale ?
Mais avant de la dégager, cette raison, une question se pose, que tout le monde s'est formulée à l'issue d'une rupture : "Quel mécanisme infernal a fait que, après avoir connu cette joie incomparable des débuts, j'ai pu me retrouver dans cette triste situation, source de dépression et de rancœur ?"
La cause est en germe dès les débuts de la rencontre. Ces débuts sont presque toujours marqués par la recherche de complétude. Je suis pleinement heureux avec elle[3] pour ne pas dire "qu'avec elle". Elle est là et rien ne me manque. Cette communion est enivrante. Comme dit Brassens "Tout est bon chez elle, y'a rien à jeter…" Nos différences elles-mêmes nous enrichissent : je la comprends, elle me comprend et, de part et d'autre, nous faisons preuve de la même ouverture d'esprit, du même accueil joyeux de nos singularités.
Seulement, le temps passant, ces différences, parfois, quoi que nous fassions, nous séparent puis, peu à peu, nous opposent. La relation amène des moments de malaise, de souffrance : pourquoi ne me comprend-elle pas toujours ? Pourquoi n'est-elle plus aussi souvent d'accord avec moi ? Ni moi avec elle ? Les qualités deviennent des défauts : elle babillait comme un oiseau, voilà qu'elle jacasse comme une pie… J'étais un Pierrot lunaire, me voilà devenu à ses yeux un incurable distrait … C'est comme si le charme n'opérait plus : le lien se distend. L'être unique, exceptionnel que j'avais rencontré ressemble de plus en plus à un être ordinaire. La pépite d'or scintillante de nos émois se fait pauvre éclat de mica, voire ne jette plus aucun feu…
Les suites, on les connaît : rupture progressive ou brutale, ou encore enlisement dans les habitudes anesthésiantes, ennui, désenchantement, avec le cortège habituel : détestation, mensonge, tromperie ; bref, on avance dans la vie tous feux éteints, sans le GPS de la connivence première…
Au mieux, si je suis lucide et honnête je n'accuserai pas l'autre d'être seul responsable de cette fracture définitive ou de cette plus ou moins lente agonie de la belle histoire. Il n'en reste pas moins que, même si je me remets en question, les faits sont là : je n'aime plus.
Que s'est-il passé ? Pourquoi cette détérioration alors que tout semblait si bien engagé ?
La cause intrinsèque est que la rencontre amoureuse s'édifie souvent sur un manque. Elle se construit sur ce manque inhérent à notre condition d'humains (parfois alourdie par ce qu'a été notre enfance). Or, dans toute construction, si les fondations ne sont pas solides… on sait la suite.
De quel manque s'agit-il ? Les chercheurs d'absolu comprendront mieux que quiconque…
Par nature nous sommes tous séparés de la perfection dont nous avons la prescience nostalgique et à laquelle nous aspirons consciemment ou non. La rencontre de l'autre, surtout si cet autre ressemble peu ou prou à l'idée que nous nous faisons de ladite perfection (physique, psychologique ou spirituelle), nous apparaît comme miraculeuse, providentielle. Nous rêvions tellement de l'être parfait (parfait… pour notre ego, bien sûr) que nous projetons et cristallisons sur la personne rencontrée toutes les qualités que nous aimerions lui voir posséder – surtout celle que nous aimerions posséder – et nous combleraient. En quelque sorte nous inventons l'autre à partir de nos manques et restons aveugle à qui est réellement cet autre dont nous nions involontairement l'altérité – parfois radicale. Le temps se chargeant bien vite de le débarrasser des beaux habits dont nous l'avons affublé, nous le percevons, plus ou moins tard, tel qu'en lui-même, dépouillé de son costume de princesse ou de ses ailes d'ange[4].
Quelle déception ! Je croyais sincèrement avoir découvert l'âme sœur… elle m'aurait apporté ce dont je suis dépourvu ; je lui aurais donné ce qui lui manque. Nous nous serions complétés, aurions vécu en harmonie dans cet équilibre parfait.
Fatale erreur ! Compter sur l'autre pour être pleinement soi-même, c'est hurler sans la dire sa propre incomplétude… L'autre, bien sûr, ne l'entend pas. Et on paie le prix fort quand les conséquences s'enchainent, inéluctablement dans ce processus apparemment fatal :
1/ J'attends de toi la part qui me manque
2/ tu ne me l'offres pas
3/ donc tu ne m'aimes pas pour ce que je suis.
Mon aspiration initiale a été trahie. J'ai été abusé et suis déçu… par ta faute.
Dans le meilleur des cas, on tente d'"en parler"… Mais on reste dans les "tu", on tourne en rond, chacun présentant à l'autre des arguments et non des sentiments… Et le dialogue (deux monologues, en fait), stagnant au niveau mental, tourne à la confrontation de deux ego puis au silence boudeur et à la violence…
Observer les rouages
Précisons que l'élan originel, celui de l'exaltation des débuts, n'est pas en soi monstrueux : il est le mouvement même de la vie qui aspire à la beauté, à la pureté et à l'absolu. Le désir de faire communier deux visions idéales (la mienne et celle de l'autre) n'est pas répréhensible. L'"enfant-moi" (pour reprendre la terminologie d'Isabelle Padovani), jouet de l'ego, et qui vit à l'"avant plan"[5] perçoit intuitivement qu'il pourrait vivre à un autre niveau, mais il s'y prend mal parce qu'il ne peut faire autrement et utilise les moyens à sa portée – les seuls qu'il connaisse : le rêve, l'imaginaire, l'illusion. A défaut d'accéder réellement à la perfection attendue, il ruse et joue à faire comme si, élaborant de toutes pièces et en toute innocence un univers fantasmatique, une pseudo-réalité.
C'est alors que les manques qui se révèlent de part et d'autre finissent inexorablement par dissoudre ces projections, ces attentes et ces désirs, dissipant le beau rêve.
Tous les maîtres s'accordent à le dire : on ne voit que ce que l'on croit.
On ne voit pas ce qui est mais ce qu'on croit qui est.
Quand on est mal "à cause de telle personne", ce n'est pas à cause de l'autre qu'on souffre, mais à cause de l'idée qu'on se fait de l'autre.
On se sent alors victime. Belle erreur de perspective : on n'est victime que de ce qu'on croit voir ou qu'on croit comprendre ; on n'est victime que de soi.
Et si, parfois, même lorsqu'on a quitté l'autre, on ne peut se libérer de lui ni de la souffrance qu'il continue à nous causer, c'est parce qu'on ne le libère pas.
Pour se libérer de l'autre il faut libérer l'autre.
Le libérer c'est le laisser être qui il est, sans appréciation ni jugement.
C'est installer un silence intérieur face au bruit de ce qu'il dit ou fait : "Cela lui appartient. Je vois, j'écoute mais je ne juge pas." Car juger c'est ingérer un poison[6]. C'est se rendre vulnérable aux mots que je reçois comme des projectiles.
Ce n'est donc pas l'autre la source de ma souffrance, mais moi seul. Une parole ne peut faire mal : ce qui me fait mal dans telle ou telle parole, c'est la croyance que je lui superpose (souvenirs, peurs diverses). Une parole ne peut avoir aucune force sur moi si je la "regarde passer" pour ce qu'elle est (l'expression du mal-être de l'autre). Lutter contre une parole (ce qu'on fait souvent dès qu'on l'estime injuste) c'est se faire du mal pour rien : ce n'est pas la parole qui me fait du mal mais l'émotion qu'elle soulève en moi. Et je suis seul responsable de mes émotions.
Sitôt que je réussis à voir cela, à comprendre que la puissance destructrice de l'autre est à la mesure de l'intensité de sa détresse, un espace se crée au plus profond de moi pour laisser exister ce qui EST. Un espace de lumière et d'invulnérabilité. Dès lors la paix de cet espace m'envahit. Plus rien ne peut m'affecter.
Plus facile à dire qu'à faire ? Il n'y a rien à "faire". Cela se fait au moment même où nous acceptons ce qui EST plutôt que de laisser nous dominer les fantômes de nos attentes, de nos désirs, et ainsi de leur donner une apparence d'existence à la réalité de laquelle nous finissons par croire[7].
Souvent, l'erreur de départ consiste à agir comme si nous étions deux moitiés voulant former un tout.
Or, si je suis la moitié de moi, je ne suis pas complet, pas "vivant". Et donc incapable d'aimer pleinement.
Car nous ne sommes pas ensemble pour réaliser une unité absente mais pour réunir deux unités séparées.
Deux incompréhensions ne peuvent former du sens.
Deux erreurs ne peuvent engendrer la vérité.
Deux aveugles ne voient pas mieux qu'un seul.
Pour que cela tourne bien…
Il est normal que nous soyons dans l'"avant-plan", celui de nos peurs, de nos attentes, de nos fragilités, et que les relations, nous renvoyant régulièrement le miroir de notre incomplétude, nous nous sentions mal parce que êtres séparés. L'absorption définitive dans l'"arrière-plan" ne se commande pas.
Néanmoins, nous pouvons vivre un état dans lequel chacun goûte avec l'autre la complétude qu'il expérimente parfois en soi-même. Nous mettons ensemble nos "un". Peuvent alors fleurir communion et joie.
Même s'il n'est pas éveillé, chaque élément du couple peut nourrir l'autre. Cela se fait d'abord par le dialogue, par exemple sur le mode de la CNV[8] : "Quelles sont tes aspirations actuelles ? Sont-elles nourries ou non ? Qu'est-ce qui permettrait de répondre à cette aspiration ? Est-ce que tu te sens nourri(e) par notre relation ? Est-ce que la relation va dans le sens de ce qui est le plus précieux pour toi ? Etc."
La rupture vient souvent du fait que ces questions n'ont pas été posées donc non élucidées, chacun restant avec ses non-dits, n'osant (ou ne pouvant et, dans ce cas une aide s'impose) ni demander ni exprimer, et finalement réduit à faire comme si cela pouvait marcher quand même : "On apprendra à se connaître… L'avenir arrangera les choses…" Mais on le sait bien, le temps ne suffit pas à remplir notre désir de plénitude.
La relation joyeuse avec un être est donc possible seulement si je ne m'engage pas avec lui à partir de mes manques mais à partir d'un vécu perçu et admis dans une réalité à échelle humaine, inévitablement imparfaite. Cette imperfection elle-même doit être joyeusement acceptée. Il convient avant tout d'avoir de la tendresse pour cette partie de nous-même, nostalgique du paradis perdu, part souffrante qui pleure, espère, se débat et se bat. Sachant cela, nous pouvons donner de l'empathie à cet "enfant-moi" puis mettre en œuvre des attitudes d'ouverture, de confiance et d'écoute qui permettent de vivre harmonieusement ensemble.
La répétition des souffrances peut nous pousser à aller vers l'"arrière-plan". Et si le "retournement de la conscience" n'est pas en notre pouvoir, il est au moins possible de prêter attention à "ce qui EST", de rester dans la réalité (la sienne propre mais aussi celle de l'autre). Si nous privilégions l'écoute, la tendresse, l'empathie, les points de désaccord ne sont plus des obstacles infranchissables car, à défaut d'être pleinement transcendés, les deux ego n'agissent plus en adversaires.
Et si j'ai parfois de la peine à mettre en action cette qualité bienveillante d'écoute, il me reste à accueillir la part qui résiste et à l'accepter avec bienveillance. En un mot je dois d'abord apprendre à m'aimer tel que je suis (humain donc imparfait), sans quoi je ne pourrai jamais aimer les autres.
Les échecs amoureux devraient nous amener à ce constat. Les côtés obscurs de nos mésaventures peuvent nous aider à prendre conscience de manques jusque-là demeurés invisibles. L'un de ces manques, on l'aura compris, est souvent la non-écoute ou la mauvaise écoute de l'autre due à une mauvaise écoute de soi et, plus fondamentalement, notre incapacité fondamentale à percevoir en-dehors de notre propre mental : nos oreilles ne suffisent pas à entendre ce que disent ou taisent les paroles de l'autre, ni ce qui l'anime.
Si j'ai appris à entendre et à écouter, les reproches éventuels que peut m'adresser l'autre peuvent dès lors être perçus comme une opportunité d'évolution car ils mettent en lumière les faiblesses de la relation que j'entretiens avec moi-même. Plutôt que de m'arrêter à la surface parfois rugueuse des mots qui me sont adressés et d'entrer alors dans un duel sans vainqueur, il convient de tirer au clair la relation que j'entretiens avec moi-même, de mettre au jour les rouages de ma mécanique intime. Les découvertes sur soi, les avancées réalisées, nous aident alors à rendre de moins en moins l'autre responsable du malaise que nous ressentons dans telle ou telle situation difficile.
Notre attitude change du tout au tout si, dès que nous sous sentons blessé par une remarque de l'autre, plutôt que de riposter dut tac au tac, nous nous tournons vers soi pour se demander ce qui se passe au fond de notre être : pourquoi telle remarque m'a-t-elle blessé ? Quel besoin insatisfait a-t-elle réveillé en moi ?
On objectera que parfois celui qui aime la vie et la vit joyeusement, a pour compagne un rabat-joie. Ou que l'un des deux conjoints, engagé sur la voie d'un développement personnel et avançant sur cette voie, se trouve de plus en plus isolé, voire incompris par celui ou celle qui n'a pas pris la même direction[9].
Une remarque s'impose : ce n'est pas parce que nous progressons vers la lumière que notre partie d'ombre disparaît, au contraire. Faire comme si nous n'étions plus que lumière c'est refuser l'équilibre dont parle K.-G. Jung et nous exposer à un séisme intérieur lorsque se produit une collision imprévue. Que quelqu'un nous agresse sur un sujet en lien avec une de nos fragilités et alors, adieu la zénitude ! Nos monstres refoulés à force de contraintes et de mensonges déguisés en vérités font exploser ou imploser la protection de douceur que nous avons habilement tricotée…
Ce n'est pas parce que je pratique le yoga que je suis plus dans la vérité que mon mari qui boit des bières devant un match de foot à la télé ou que mon épouse qui fait du lèche-vitrine avec sa copine en commentant le dernier épisode de son émission de téléréalité favorite… Le manichéisme, le dualisme sont des pièges qui nous donnent bonne conscience, nous rassurent (ce qui prouve que nous sommes encore bien dans la peur) et nous égarent : moi je suis sur la bonne voie, lui (elle) est sur la mauvaise pente…
Chacun est à un moment et à la place justes de son incarnation… et sans cet Amour auquel nous n'avons peut-être pas encore accès, aucun de nous ne peut prétendre enfermer l'autre dans la cage d'une appréciation. Sachant cela on peut au moins cesser de projeter nos croyances sur lui pour le découvrir au plus près de sa vérité. C'est sans doute le meilleur moyen de franchir les étapes qui mènent à un amour plus vrai[10].
Ce qui n'empêche pas que, malgré les tentatives les plus patientes et les plus ajustées pour conserver le lien avec celle ou celui "que nous pensions aimer", il peut s'avérer nécessaire de rompre la vie commune si rien de créatif ne fonctionne[11]. Rappelons-le : l'autre ne peut me contraindre à rien. J'ai toujours le choix. Toujours.
"L'amour n'est pas un sentiment mais un besoin" dit M. Rosenberg.
Et la plus violente des question, ajoute-t-il, est celle-ci : "M'aimes-tu ?" Une réponse ajustée à une telle question ne peut être que celle-ci : "Si, pour toi, l'amour est un sentiment, tu me demandes si j'éprouve pour toi de la tendresse, de la sympathie, de l'affection... en ce moment ? Non ! Pas en ce moment…[12]"
"Après l'amour, le désamour", disions-nous en titre de cet article. Des Himalaya d'ouvrages de qualité expliquent comment s'y prendre pour améliorer les relations interpersonnelles. Si la plupart mettent en avant l'importance de la formulation, le plus important demeure l'objectif sous-tendant les mots qu'on prononce. Cet objectif n'est pas d'ordre stratégique (manipuler autrui) mais d'ordre spirituel : nous ne formons tous qu'un seul corps énergétique et seul l'amour permet à cette énergie de circuler harmonieusement entre les entités qui constituent la Vie. Le "désamour" n'existerait pas si nous étions perpétuellement dans cette conscience de l'Unité. Le langage qui en permet l'expression directe ne serait alors jamais une arme offensive mais un instrument visant à entretenir du lien. Nous n'en sommes pas là mais qui sait si, justement, nous ne sommes pas dans cette existence pour apprendre cette langue qu'on ne nous a jamais inculquée (surtout pas en famille ni à l'école) et par laquelle nous découvririons alors que l'autre, aussi détestable que nous le ressentions, n'est jamais un ennemi mais un être souffrant, comme nous, en manque d'amour et en recherche incessante de paix ?
[1] Cette expression ne m'a jamais convenu mais il n'y en a pas d'équivalent.
A l'origine, la racine du mot "tomber" exprime une chute ou un saut brusque. Dans différentes langues (roumain, espagnol, portugais…) ce radical signifie "faire une culbute". En français tumber (au XIIe s. tumer) a pour sens "gambader, faire des culbutes d'acrobate, choir, renverser".
Le sens dominant devint vite : "faire une chute", "être entraîné vers le bas". Ainsi, la pluie "tombe". Dans le même sens : "tomber en ruines", "tomber des nues".
C'est sans doute pourquoi "tomber enceinte" et "tomber amoureux", par contagion, résonnent curieusement dans la mesure où l'une et l'autre de ces deux expressions fréquentes ne revêtent aucun caractère négatif et suggèrent un événement heureux. Quand je "tombe" amoureux, je suis plus dans l'élan vers le haut, voire dans l'envol que dans la descente, l'affaissement, l'effondrement…
A la naissance de l'expérience amoureuse, sauf rare exception, des ailes nous poussent : nous sommes légers et nos pieds quittent la terre…
[2] Qu'est-ce que, d'ailleurs, un "roman d'amour" sinon le récit d'un désamour ? Et qui pourrait citer, à brûle-pourpoint un titre de bon roman réaliste (donc contes de fée et romans de gare exclus) racontant l'histoire d'un amour au dénouement heureux ?
[3] Ou qu' "avec lui", cela va de soi. Dans le texte qui suit cela sera implicite.
[4] Les amateurs de romans penseront immédiatement à ce que Stendhal appelle la "cristallisation du moi"…
[5] Celui de nos peurs, de nos désirs, de nos fragilités, etc.
[6] Cf. Marshall Rosenberg : "Tout jugement est l'expression tragique d'un besoin insatisfait."
[7] D'aucuns objecteront que la violence de l'autre est bien réelle dès qu'elle est physique. En effet, et il convient alors d'avoir recours aux solutions que propose la loi. Cela n'invalide en rien le regard ajusté qu'on pose sur l'autre (forcément en souffrance), même s'il devient alors difficile d'exercer notre empathie à son égard, sachant pourtant que le violent cherche du soutien pour sa souffrance et qu'il ne supporte pas la personne qui vit dans la paix intérieure.
[8] Communication Non Violente (Marshall Rosenberg)
[9] Notons également que l'adepte d'une telle démarche adopte parfois une attitude selon laquelle il se doit d'être toujours "peace and love" : sourires compatissants, en fait, condescendant, paroles de miel - pas question de dégager des "ondes négatives" ! Il joue un rôle et s'abuse lui-même en trompant l'autre. On en voit souvent de ces faux anges, dupes ou escrocs inconscients qui se sourient, s'embrassent, n'ont que le mot "amour" à la bouche, se croient sur le seuil du nirvana, quand ce n'est pas dedans, qui font du "shopping" spirituel, butinent d'un séminaire à l'autre sans rien changer dans leur vie. Comment ne pas songer à ces Pharisiens que Jésus n'épargnait guère et dont il disait : "Ils faisaient les gestes imposés par la Loi tout en méprisant ceux qui l'ignoraient" (Mt 23, 27). Pour autant ne les jugeons pas trop vite…
[10] A l'amour inconditionnel ? Il convient de rester lucide : demandons-nous d'abord pourquoi nous voulons aimer d'un amour inconditionnel… Pour moins souffrir ! L'illusion est de vouloir ne plus être soumis à notre condition humaine, de vouloir éviter l'inévitable. Or la souffrance est inévitable. Visons d'abord à changer notre relation à la souffrance. "Vivre l'amour inconditionnel c'est d'abord accepter inconditionnellement notre condition humaine" (I. Padovani) – avec nos limites, nos erreurs…
[11] Se résoudre au mal-être (à pire parfois) sous prétexte qu'on s'est engagé officiellement devant les hommes ou devant un Dieu consensuellement établi est une colossale erreur, un renoncement injustifié à sa propre vérité, à sa propre liberté (et, sans doute, à sa propre part divine) que rien ne justifie, sinon les croyances trompeuses inculquées par des traditions perverties qui n'ont rien à voir avec une spiritualité authentique. Mais cela est peu avoué : il existe aussi une langue de bois dans les milieux spirituels.
[12] Marshall Rosenberg dit cela avec humour. Il va de soi que si le bienfondé du propos est indiscutable, sa formulation est peut-être à revoir !i ?
Superbe article :-) Merci Gérard pour cette réflexion riche, et quel plaisir de te (re)lire 20 ans après avoir été ton élève :-)
RépondreSupprimerBonne route dans la découverte de l'Autre
Namasté
TT