Des trajectoires voisines
Obstacles rencontrés, épreuves vaincues ou non, font que yogi et poètes sont des frères. Mais des frères séparés.
Plutôt que de recenser ou de passer systématiquement en
revue un certain nombre de poètes (ce serait fastidieux et puis combien ?
et quel choisir ? vous voyez la prétention !) j’ai pointé quelques-unes
de leurs façons de concevoir le problème que pose le fait de vivre et, par
rapport à ce problème, ce qu’ils attendent de la poésie.
On s’aperçoit vite 1/ qu’ils peuvent aller très loin dans l’évocation de ce
qu’est le tragique de la condition humaine, 2/ qu’ils ne l’analysent pas comme le
ferait un psychanalyste mais l’expriment spontanément, sans distance autre que
celui du travail de la forme, du style, 3/ qu’ils captent ainsi, par la magie
du verbe, l’essence des choses et du monde, qu’ils approchent la source au plus
près.
Ils ne prétendent pas expliquer ce qu’ils ignorent (et les
fait écrire – si je sais je n’ai plus besoin de chercher, donc de dire). Ce
sont des témoins en quelque sorte. Des témoins de leurs propres métamorphoses,
de leurs propres expériences avec les sentiments exalté ou désespérés qui
accompagnent leurs tribulations intimes. Et ces témoins, même réfractaires à
toute idée de transcendance, rejoignent nos préoccupations les plus
spirituelles.
Gérard Bocholier
(1947) le dit à sa manière :
"Les paroles laissées
Sur ces bords par le vent
Ne sont pas des adieux
Légués à la lumière
Légués à la lumière
Des graines seulement
De ciel à mettre en terre."
De ciel à mettre en terre."
La Venue (Arfuyen, 2006)
La révolte ou le consentement
La quête spirituelle commence souvent par un refus, voire une révolte, une colère
qui naît de notre condition limitée, véritable scandale métaphysique :
pourquoi ai-je été créé avec la possibilité d’imaginer la possibilité du divin
alors que j’ignore même en raison si le divin existe ? Nous le disions au
début, nous sommes incomplets, des dieux tombés qui se souviennent des cieux et
qui, dans un premier temps s’insurgent contre cet exil. Pensez à Satprem. Examinez
votre propre trajectoire… Bcp d’entre
vous ne seriez pas ici si vous étiez satisfaits et repus. Vous refusez de
n’être nourris que par ce qui vous est offert. A la vie que vous menez, pour agréable
qu’elle soit, il manque une dimension. Vous vous accommodez plus ou moins de ce
manque (je suis né, il faut assumer) ou bien vous n’en pouvez plus de le
supporter. Si vous pratiquez le yoga, si vous êtes adeptes d’une croyance c’est
plus facile. La plupart du temps c’est parce qu’ils ne croient à rien que les
poètes sont contraints d’écrire leur souffrance, donc leur colère, leur
révolte, c’est pour eux le moyen de l’exorciser en partie. Si j’ai la foi je me
réfugie en Dieu et l’écriture sera moins une quête qu’un chant de louange.
C’est le cas des poètes croyants mais pas des autres.
Ecoutez ce que dit Jean pierre Parra (vivant) en 5 vers
:
"Coeur enserré
dans l’espérance sans fin qui tue
tu attends
cris entendus mis dans la bouche
le Dieu qui tarde"
(Comme un
poison lent qui étreint la flamme de vie ISBN: 978-2-35421-069-8)
Les raisons de crier
sa colère sont infinies.
La plupart du temps cette colère se dresse contre
l’absurdité du monde que nous offrons à nos enfants, contre l’impossibilité
qu’éprouvent les artistes méprisés à changer le cours d’une évolution qui
appartient tout entière aux hommes de pouvoir et à la modernité. Je prendrai
deux ou trois exemples chez Gemma Tremblay (québécoise,
née 20 avril 1924 morte 27 avril 1974)
"L’enfant
inachevé grommelle près du fourgon
du globe
politisé jusqu’aux
moelles
dans les fours
crématoires de pollution
l’enfant paie trop
cher le don du lait
n’a plus le temps
d’empoigner sa vie"
Et, plus loin, du même auteur :
"Je crie à fendre l’âme
les mains ouvertes
sous les gelées matinales
[…]
Comment m’orienter, mes cris étouffent
de mille pieds de
neige à déplacer.
[…]
en moi s’éventre un
cri qui ne veut pas mourir
la révolte pénètre
dans la nuit jusqu’à l’aube "
(Le verbe traqué)
Ou encore, dans un autre recueil (Cratères sous la neige), cette même révolte devant l’absurdité des
comportements de notre civilisation :
"Je ne peux plus te voir grandir pays
sans effarement ni douleur j’entends les démolitions d’entre les marteaux les
clous joyeux gratte-ciel de vertige ma voix prend forme de l’avenir pressuré. "
"Car je m’insurge
contre toi et ta dureté de roc quand tu piétines les comédiens et les
artistes "
"Ah ce silence
couvert par notre cri notre langage
je sais mais je ne
sais plus dire
et je sens bien mon
cœur qui flanche à grand coups
mon cœur je le sens
qui s’arrête
car la mesure de
souffrir inavouable admet sa mesure "
Face
à l’inexorable absurdité de l’existence (qu’ils ne cessent de dire dans leurs
vers), les poètes ne sont pas tous révoltés. Confrontés même au pire, à la mort
de l’être aimé par exemple, une prise de conscience peut s’opérer que la mort
des autres nous révèle à nous-mêmes. Elle nous contraint à regarder en face
notre vérité. Pour perdurer ici-bas, le grand art,
c'est alors de savoir rire en pleurant, de danser avec la tristesse, comme
avait osé le faire jadis Mozart aux heures les plus sombres et les plus
lumineuses de sa brève existence, restaurant en nous tous, la plénitude joyeuse
du cœur, vécue et assumée dans son secret déchirement.
Comme la révolte, le refus
de la révolte devient aussi matière à créer et, à mon avis, va plus avant sur
la route de ce qu’on acceptera d’appeler l’évolution intérieure.
A partir de cette acception du
vivre-malgré-tout, certains poètes, comme Claude
Vigée, (né le 3 janvier 1921 à Bischwiller, et il passe son
enfance en Alsace. Chassé par la guerre, il séjourne quelque temps (1940 -
1942) à Toulouse. Il assume alors totalement sa judaïté) peuvent entreprendre la
quête du sens et transcender l’horreur de la disparition de l’être cher :
"Voilà plus de sept mois qu’Évy s’est éclipsée.
Elle s’est glissée toute nue hors de frontières de notre monde ancien, absentée
pour longtemps de la demeure close d’ici et de maintenant. Le mal d’être avec
elle sans elle s’est creusé sournoisement un puits d’ombre dans mon corps. Déjà
il se tait plus qu’à moitié : il fait la taupe en moi.
Allons, pour t’occuper gentiment chaque matin au réveil tu auras beau dire et faire, questionner, écouter, écrire, regarder partout autour de toi. Où que tu ailles dans ce monde-ci, où que tu t’arrêtes pour fuir, pour explorer, pour oublier le présent, même si tu es en train de dormir ou de rêver les yeux ouverts, jamais plus, jamais plus il n’y aura d’Evy.
Pour toi, comme pour elle, être ici, tête contre tête, c’est fini. Nous ne rirons plus ensemble une seule fois au lit, tous les deux. Mais moi, je veille seul avec le soleil du soir qui incendie le parquet et rampe au bas des murs, en cette longue soirée de fin d’été complice de tous les songes, dans cet appartement parisien soudain devenu suspect, presque trop familier, qui se fait chaque jour plus vide et plus silencieux.
Évy, ce n’est pas seulement toi que je pleure encore ce soir dans mon coin muet de Paris. C’est toute la vie que je pleure, cette vie qui s’en est allée avec toi et ne reviendra plus vers moi. Reste là un vieil homme désolé, qui écoute en ce moment le quintette pour clarinette tardif de Brahms pour traverser la nuit : le chant de ton absence, le clair et merveilleux appel en mineur de la lumière qui s’abîme si doucement dans le noir. " (25 août 2007, vers minuit)
Allons, pour t’occuper gentiment chaque matin au réveil tu auras beau dire et faire, questionner, écouter, écrire, regarder partout autour de toi. Où que tu ailles dans ce monde-ci, où que tu t’arrêtes pour fuir, pour explorer, pour oublier le présent, même si tu es en train de dormir ou de rêver les yeux ouverts, jamais plus, jamais plus il n’y aura d’Evy.
Pour toi, comme pour elle, être ici, tête contre tête, c’est fini. Nous ne rirons plus ensemble une seule fois au lit, tous les deux. Mais moi, je veille seul avec le soleil du soir qui incendie le parquet et rampe au bas des murs, en cette longue soirée de fin d’été complice de tous les songes, dans cet appartement parisien soudain devenu suspect, presque trop familier, qui se fait chaque jour plus vide et plus silencieux.
Évy, ce n’est pas seulement toi que je pleure encore ce soir dans mon coin muet de Paris. C’est toute la vie que je pleure, cette vie qui s’en est allée avec toi et ne reviendra plus vers moi. Reste là un vieil homme désolé, qui écoute en ce moment le quintette pour clarinette tardif de Brahms pour traverser la nuit : le chant de ton absence, le clair et merveilleux appel en mineur de la lumière qui s’abîme si doucement dans le noir. " (25 août 2007, vers minuit)
Une tristesse incommensurable émane des mots mais elle laisse
percevoir aussi un dépassement chez celui qui a décidé de continuer et de
vivre. Le poète sait ce qui l'a sauvé : "Je suis avant tout un poète. Ce qui m’a maintenu, c’est l’écriture de
ces poèmes et la continuité de moi-même que l’effort de création exigeait à
tout moment. "
L'écriture n'est pas seulement
vitale pour lui, elle le fait re-vivre. Elle est rédemption.
"Je boite mais je vis… et ça m’aide à comprendre que la
création n’est pas finie, qu’elle est imparfaite. "
La solitude
Le chercheur d’absolu lui aussi est
souvent devenu tel parce qu’il a refusé de s’installer dans cette misère existentielle,
et qu’il sait, au fond de lui, qu’il peut en sortir à condition de se référer à
des modes de pensée différents. Ne plus subir ce que le plus grand nombre juge
inévitable, non pas crier, tempêter (c’est inutile), non pas courber l’échine
(c’est indigne de notre condition) mais agir. Agir y compris dans la posture
immobile du méditant.
De toute façon, dans un cas comme
dans l’autre (révolte ou action, soumission ou action) la solitude est au
rendez-vous : je suis le seul à pouvoir me transformer. Il faut donc
mettre à profit cette solitude (parfois recherchée).
Les poètes incroyants, eux,
n’utilisent pas cette solitude pour établir un lien avec une transcendance, ils
l’utilisent (si l’on peut dire) pour créer, comme si le fait d’écrire (on écrit
pour qqun) pouvait briser le cercle de la déréliction qui les enserre..
C’est surtout la solitude métaphysique et fondamentale de
l’homme abandonné que chantent les deux poètes que j’ai retenus :
Jean Grosjean (1912 –
2006)
"La brume est
accoudée à des tilleuls,
Un merle chante, une
feuille s’égoutte.
Le chemin ne sait pas
où il s’en va,
Le temps non plus.
Dieu se cache et se
tait."
J.-P. Parra
"Coeur enserré
dans l’espérance sans fin qui tue
tu attends
cris entendus mis dans la bouche
le Dieu qui tarde."
Si Dieu se cache, avec lui se cache le sens de la vie.
Roberto Juarroz (1925
– 1995 – argentin) porte gravée en lui la peur profonde de la perte des repères
: "le grand accident : la chute
du néant dans le néant. ".
Ricardo Paseyro
(né 1925 Gendre de J. Supervielle) exprime le même vertige devant notre
incapacité à trouver du sens au monde :
Algues
"Peaux cuivrées,
noires, blanches ou jaunes
venons-nous des algues primordiales ?
Et les algues, de qui ? De Dieu ? Du chaos ?
Et où retournons-nous ? À Dieu ? Au chaos ?
Pour dormir le soleil nous prête du feu,
pour veiller le ciel nous prête, lui, de l'ombre.
Je crains, à la fois, le réveil et le sommeil."
venons-nous des algues primordiales ?
Et les algues, de qui ? De Dieu ? Du chaos ?
Et où retournons-nous ? À Dieu ? Au chaos ?
Pour dormir le soleil nous prête du feu,
pour veiller le ciel nous prête, lui, de l'ombre.
Je crains, à la fois, le réveil et le sommeil."
Cette impossibilité de comprendre (de se comprendre donc de
comprendre le monde) se double de l’impossibilité d’être compris.
Comment dire aux autres ce qu’on ressent vraiment ?
Comment exprimer l’indicible ?
Si je vous demandais de traduire avec des mots cette
aspiration qui vous pousse (ou vous tire) en avant, si je vous demandais
d’exprimer de manière fidèle ce que vous avez exactement ressenti durant cette
seconde magique ou tout vous est apparu lumineux, simple, évident… ou au
contraire quand tout s’est soudain trouvé plongé dans l’obscurité la plus
opaque… Quand bien même trouveriez-vous les mots, comment vos interlocuteurs
les comprendraient-ils ? Cf. le neti-neti des sages illuminés… Le silence
de certains (SatChitAnanda, Chandra Swami)… Le langage apparaît parfois
impossible, inadapté parce qu’il crée une distorsion avec le réel et son incapacité
à dire vraiment ce qui est. L’expérience vécue seule importe. En parler
n’avance à rien.
Mis à part un Rimbaud (et qques autres, inconnus et pour
cause) ce n’est pas le point de vue des poètes. Ce qui les désespère c’est
l’incommunicabilité, c’est de ne pas pouvoir dire exactement ce qui les anime.
Dès lors naît en eux une nouvelle source de frustration, un sentiment
d’impuissance qui renforce leur solitude.
Un grand nombre d’entre eux expriment leur incapacité, leur
désespoir de dire juste. Cela explique le choix pour certains (les symbolistes,
par exemple) d’une écriture quasi incompréhensible, voire hermétique (éviter de
laisser le langage à ses limites triviales) ou, à l’opposé, surprenamment, une
écriture d’apparence très simple, décrivant de façon quasi concrète et limpide
des choses du monde quotidien. C’est alors comme si, les images et la musique
des vers prenaient en charge l’indicible. Il revient alors au lecteur, sinon de
comprendre, de ressentir les silences, d’en approcher la signification
informulable. (cf. idem pour la musique). C’est le cas de Guillevic espérant
que par le choix d’une écriture adaptée
"… ce sera la
grande révélation
L’éblouissement où nos
profondeurs
Se laisseront
dévoiler "
Pour vivre malgré tout il faut sauver la fragilité de la
lumière, se contenter de faire et refaire sans cesse des petits rituels
quotidiens. Parce que, sous la surface transparente des insignifiances du
quotidien, du monde minimaliste de la vie, peut alors se laisser apercevoir
plus facilement une profondeur. De ce point de vue les souvenirs d’enfance
jouent un rôle important parce qu’ils appartiennent à une simplicité qui
n’est pas insignifiance mais qui est la marque quasi indubitable de l’innocence
perdue donc d’un paradis perdu. Et quoi de plus essentiel (au yeux de ces
poètes) que la résurrection en nous de ce paradis quitté ?
René-Guy
Cadou (1920 – 1951)"Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.
O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau."
Et ce poème du même auteur (extrait) :
"Je
dis les yeux d’enfants Pareils à des pervenches
Ou à ces billes bleus
Qui roulent sur la mer
On va dans les allées
Comme au milieu d’un rêve
Tant la grand-mère a mis
De grâce dans les fleurs
Et le chat noir et blanc
Qui veille sur les roses
Songe au petit oiseau
Qui viendrait jusqu’à lui"
Qui veille sur les roses
Songe au petit oiseau
Qui viendrait jusqu’à lui"
(Le jardin de Grignon)
Encore qq vers, pour le plaisir :
"II suffit qu'une lampe pose son cou de femme
A la tombée du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles
Et 1'odeur de pain frais des cerisiers fleuris
Car tel est le bonheur de cette solitude
Qu'une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes
La légèreté d'un arbre dans le matin"
A la tombée du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles
Et 1'odeur de pain frais des cerisiers fleuris
Car tel est le bonheur de cette solitude
Qu'une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes
La légèreté d'un arbre dans le matin"
(Celui qui entre par hasard)
Le mystique parti en quête de sens, lui, évite de se
complaire dans le souvenir. Il essaie de vivre l’instant présent. Il essaie
d’arrêter l’inutile ressassement de la mémoire et tente de faire taire l’interminable monologue intérieur qui empêche
l’émergence du silence.
Les poètes ne sont pas des êtres de silence et même
lorsqu’ils en vantent les bienfaits ils le font… en parlant. A moins qu’ils
nient la possibilité de ce silence comme le regrette Juarroz, comme s’il avait l’intuition qu’il dissimule une
issue.
"Il n'y a pas de silence.
Penser n'est pas silence,
une chose n'est pas silence,
la mort n'est pas silence.
Être n'est pas silence.
Aux alentours de ces faits
il n'y a que lambeaux de nostalgie :
la nostalgie du silence
qui peut-être un jour exista.
Ou peut-être n'exista jamais
et peut-être devons-nous le créer ?"
Pourtant, si le silence paraît
impossible, cesser de s’agiter est plus accessible et permet de découvrir
que le non-agir permet l’action
juste :
Juarroz :
"Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance."
(Treizième poésie verticale, traduction Roger Munier, José Corti 1993
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance."
(Treizième poésie verticale, traduction Roger Munier, José Corti 1993
Si on pense yoga : ne pas s’agiter c’est permettre aux
choses de retrouver leur place juste.
Consolation par la communion avec la nature
Refusant le modèle offert par nos sociétés médiocres et sans
aspiration à d’autres valeurs que matérielles, refusant de spéculer sur la
compagnie des humains (on est encore plus seul quand on n’est pas seul), le
poète chercheur se tourne vers la nature.
Ce n’est pas nouveau (depuis le XIXe siècle avec les romantiques). Notons que
nombre de mystiques commencent par quitter la compagnie des hommes. Cependant
ce n’est pas pour fuir leurs semblables mais pour favoriser une rencontre plus
essentielle. Cette rencontre avec le sens, avec ce que nous sommes vraiment ils
l’attendent en partie de leur communion avec la nature parce qu’elle est plus
proche de l’innocence primordiale, elle garde en elle l’empreinte de l’absolue
perfection et nous renvoie le reflet de notre propre perfection.
De ce point de vue, après les auteurs romantiques du XIXe
siècle, notre contemporain, Guillevic exprime
dans nombre de ses poèmes : ce qu’il nomme "le désir inépuisable d’être en tout. " D’où sa joie
à se fondre dans les éléments de la nature.
"Réjouis-toi
comme jamais Du soleil qui vient jusqu’à ta table Te saluer. "
Les nuages
laissent-ils apparaître le soleil ? Il s’exclame : "Crions de joie, crions " :
On est loin des cris de révolte devant la bêtise humaine ! C’est ici le
cri de quasi bénédiction devant la beauté de l’instant solaire, le cri
d’exaltation devant cette aptitude à pouvoir expérimenter la joie de l’union
cosmique, de rejoindre pour un instant le centre de la vérité (celle du monde –
la sienne. Le sujet observant et l’objet observé ne font qu’un – la vérité est
une)
C’est aussi ce que dit un poète encore bien vivant, Lorand Gaspar (né à Târgu Mureş en Transylvanie orientale le 28 février
1925)
"comprendre
vraiment ce qu’est être ici
nuage,
martinet, homme ou caillou —
c’est
ainsi dans les moments les plus simples
que
le dire s’enracine en son vivre —
puise
la saveur du jour dans la gorge
portée
par l’ouverture trouvée,
pour
d’autres parmi les herbes renaître –"
(Patmos)
Ou, différemment, Claude
Vigée (1921) dans L'amandier sous la lune
"Sur l'infime épaisseur des mots
nous patinons
à reculons depuis l'enfance; nous
chantons, nous dansons
vers l'infini sans regard et sans nom.
À peine un éclair sur la glace,
dans une poésie est inscrite la trace
de l'oiseau qui raya la fragile surface.
Parfois je crois surprendre un écho dans
l’oreille
de ces mots murmurés,
que des voix de jadis, depuis longtemps
perdues,
disaient presque en silence :
ainsi suinte la pluie de campagne en
automne
à travers les feuilles mortes, avec tant
de patience,
à la lisière du petit-bois de chênes gris
et touffus
où le Ruisseau-Rouge chuchote,
puis elle s’enfuit goutte à goutte dans
la terre,
à pas de souriceaux, comme fait la
semence,
par le chemin profond, la sente aux
orties noires."
Extrait de Les orties noires, Flammarion 1982
Citons encore le poème d’un contemporain, Philippe
Delaveau (né 1950 à Paris). Chacun peut chercher pourquoi il a sa place
dans notre réflexion. Après tout, on pourrait se dire : quel rapport avec
notre thème : poètes et quête de l’absolu ? Rien de spirituel,
direz-vous. Pourtant…
"Marcher parfois
longtemps dans la prairie du vent.
Ses bottes malmènent
les fleurs,
l’herbe aux rêves de
voyage.
Puis le petit village
près d’un bois.
L’harmonica d’une" eau
rapide qui se cache
pour voir le ciel et
l’ombre, et les cailloux
entraînés de ferveur,
sur leurs genoux qui brûlent.
Entendre alors la
persuasion très tendre
et douce d’un oiseau
qui solfie les mesures
d’une clairière. Deux
fois peut-être. Puis se tait. Se dissout
dans la perfection
pure et simple du silence"
Parfois, le contact avec la nature est beaucoup plus
directement signifiant du point de vue spirituel, parce que, derrière la
création, on devine l’invisible présence d’un créateur que l’auteur évoque
presque sans la voiler :
C’est le cas avec ce texte de Rainer Maria Rilke, (né1902,
Paris) – mais il est vrai qu'il est croyant…
Automne
"Les
feuilles tombent, tombent comme des lointains
comme
si aux cieux dans des jardins éloignés,
tout
flétrissait
elles
tombent en gestes de refus.
Et
dans les nuits la lourde terre tombe
depuis
toutes les étoiles dans la solitude.
Nous
tous nous tombons. Cette main là tombe
et
vois les autres aussi : cela est en elles toutes
et
pourtant il est quelqu’un, qui retient toute cette chute
dans
ses mains avec une douceur infinie."
La nature non seulement permet un contact plus direct avec
l’essentiel mais, dans la contemplation qu’elle
provoque, elle nous apprend l’instant. L’instant présent, vécu dans son
instantanéité et dans lequel se blottit l’éternité.
R. Paseyro
Instant
"Une bande de nuages au loin.
La moitié grise et blanche de la lune
est suspendue sans fil à un azur
si seul et cristallin qu'il paraît
ne pas avoir de fin ni pressentir la nuit.
C'est la soirée parfaite. On dirait
que tout doit continuer, intact, ainsi."
La moitié grise et blanche de la lune
est suspendue sans fil à un azur
si seul et cristallin qu'il paraît
ne pas avoir de fin ni pressentir la nuit.
C'est la soirée parfaite. On dirait
que tout doit continuer, intact, ainsi."
Jardin de Marie-Thérèse
Et, pour finir, précisons que la nature lorsqu’elle devient
objet poétique, paradoxalement, se met à exister en nous comme sujet et nous
permet de devenir davantage ce que nous sommes sans forcément en avoir
conscience :
"Nous devons parvenir, écrit Jarroz,
à ce que le texte que nous lisons nous lise.
Nous devons faire en sorte que la rose
Que nous venons de créer rien qu'en la regardant
Nous crée en même temps " (Huitième Poésie Verticale).
à ce que le texte que nous lisons nous lise.
Nous devons faire en sorte que la rose
Que nous venons de créer rien qu'en la regardant
Nous crée en même temps " (Huitième Poésie Verticale).
Cette façon de
percevoir est forcément le signe d’un lâcher prise. Le poète s’oublie pour
laisser le monde exister en lui. Et c’est seulement à ce moment, dans cet oubli
de soi, que le poète va exister pleinement.
Lâcher prise
Voici une notion qui doit éveiller quelque chose chez les
adeptes du yoga ! Lâcher prise
consiste à mettre un frein à la volonté qui veut tout régenter, qui veut
décider de tout.
Laissons parler G.
Bataille (1897 – 1962) "le poète
dispose de cette vertu sportive et rare : il pratique l’art du lâcher
prise. Au lieu de s’agripper aux éléments du monde observé, ses mots leur
insufflent une capacité d’envol […] Et voici que dans le souffle du poème les
choses effacent leur contour. Ce faisant, elles tracent en filigrane
l’impossible contour du non-lieu et du non-temps qui les a fait naître. Elles
s’éveillent à leur propre vacuité. "
Lâcher prise c’est suivre le courant du fleuve plutôt que de
nager contre lui ; c’est accompagner une énergie qui nous dépasse plutôt
que de s’y opposer ; ce n’est pas capituler : l’oiseau planeur qui se
laisse porter par les courants ascendants ne renonce pas à voler !
Bien sûr : renoncer à nos désirs crée une peur :
Écoutons Bernard
Jacobiak (né 1932)
"Soudain tout s'est
éclairé au-delà de toute attente
mais il a fallu plonger
mais il a fallu plonger
Le don de la lumière ouvre à
l'enfer et aux ténèbres.
-Il faudra les traverser; comme on traverse le désert,
mais sans caravane. -
Qui ne tremblerait pas ?
qui pourrait ignorer le mouvement de recul
et ne comprendrait pas le repli de la cave définitive
du sourd, du muet, du borgne des deux yeux qu'on était ?
Qui, s'il n'avait pas reçu la force inattendue, aurait pu
ne plus s'enrouler en un galet au bord du fleuve d'habitude?"
-Il faudra les traverser; comme on traverse le désert,
mais sans caravane. -
Qui ne tremblerait pas ?
qui pourrait ignorer le mouvement de recul
et ne comprendrait pas le repli de la cave définitive
du sourd, du muet, du borgne des deux yeux qu'on était ?
Qui, s'il n'avait pas reçu la force inattendue, aurait pu
ne plus s'enrouler en un galet au bord du fleuve d'habitude?"
Vouloir combattre ce qui est, non seulement mène à un
épuisement vain, mais nous empêche de rencontrer ce que l’abandon de nos volontés
nous permet de discerner et qui est souvent l’essentiel :
Juarroz encore
lui, ne dit rien d’autre :
"On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n'y a personne.
Au centre de la fête c'est le vide.
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n'y a personne.
Au centre de la fête c'est le vide.
Mais au centre du vide il y a une autre fête."
(Douzième poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen)
(Douzième poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen)
Sortir de soi (pour se mieux se rencontrer)
Lâcher prise c’est s’oublier au profit d’une volonté
supérieure à la nôtre – quelle qu’en soit la nature. C’est cesser de
s’accrocher à l’image qu’on se fait de soi pour laisser émerger sa vérité
profonde (Ishvara pranidhana - surrender).
Cette attitude n’appartient pas aux seuls pratiquant de yoga. Elle est connue
de tous les mystiques ("que ta volonté soit faite ") mais
également d’un poète comme Pierre Dhainaut (1935 Lille)
"… s’agit-il vraiment de faire éclater des
limites ? N’est-il pas plutôt question de les accepter pleinement ? "Nous
n’irons pas plus loin que ce rivage "… C’est l’adhésion aux limites,
aux frontières, aux obstacles, c’est donc une forme d’introduction dans les
limites qui leur ôte leur caractère oppressant et y découvre la présence de
l’infini, du large, de la navigation sans cesse recommencée. "
"La poésie a vocation à accueillir le souffle de
l’autre, des autres, de l’univers entier. C’est une respiration qui épouse les
autres souffles. Elle suppose donc une ouverture à l’Autre, un
renoncement à construire sa propre statue, à marquer ses empreintes. L’écriture
oublie l’empreinte que l’on peut tracer de soi-même ; elle n’est pas le
prolongement du moi : "nous ne fixerons rien de nous ".
Elle cherche moins à connaître qu’à reconnaître : non pas s’emparer de
l’autre en le comprenant mais le laisser exister tel qu’il est ; "reconnaissance "… "
"Voix au-devant des voix " : parole, donc, comme
rencontre, comme accueil, comme sortie hors de soi : "… ne plus
respirer que pour ouvrir avec le nôtre un autre souffle. " Il
faut se libérer du langage qui opprime… des "voix qui se durcissent "
ou des "phrases morcelées "…
Pour s’ouvrir à quel langage ? Le corps, par la poésie, "se
livre " aux "buissons de cris qui fleurissent sans effort "…
La parole poétique comme une évidence, c’est-à-dire comme une manifestation de
l’énergie universelle ? Pour que le corps lui-même puisse "incarner "
le fleuve ou la pierre ?
Parole de réconciliation, et suffisamment silencieuse pour être avec le monde et non le
posséder ou le réduire à sa propre substance : "ne rien dire "…
Parole fluide, transparente comme le vent ou la pierre clairvoyante. A
travers elle se dit une forme de non-dualité entre l’esprit et la matière,
l’homme et les objets extérieurs...
Parole mouvante, mouvement apte à épouser le mouvement du monde. Parole
comme geste et non comme réceptacle : "syllabe après syllabe, geste
après geste. " La parole doit dire la métamorphose, l’éclosion
incessante… "
Ces notes de lecture (in Fragments
et louanges) pourraient être écrites par un maître yogi – que n’est pas
l’auteur en question mais qui démontre bien que certaines intuitions sont
universelles et que la sagesse affleure là où on ne l’attend pas forcément.
Cela devrait nous inciter à bcp de modestie…
Précisons quand même que ce professeur, fils d’un
instituteur du nord, ami des surréalistes, s’intéressa de près au bouddhisme…
La plupart du temps, cette compréhension de l’attitude juste
face au mystère constituant notre identité est moins directement exprimée (les
poètes évoquent plus qu’ils n’analysent, on l’a dit).
Pourtant c’est clairement que ce problème de notre identité
profonde est abordé par Claude –Henri
Rocquet (né 1933), poète, bien sûr et ami de LANZA DEL VASTO
"Moi. Qui, moi ? Qui suis-je ? Et
qu’est-ce qu’être ? "
Tu recevais cette question comme un coup de
foudre – le choc du poisson-torpille dont parle Platon, lorsqu’il évoque la
rencontre de Socrate. Un coup de foudre ? mais au ralenti. Un gong t’éveillait.
Savais-tu que tu venais de t’éveiller ? Le coup initial en toi résonnerait
jusqu’à ton dernier souffle. Il résonne aujourd’hui en moi. Je me le rappelle.
Il me rappelle maintenant à moi-même.
Tu recevais cette question, cette foudre,
comme une semence.
Question par essence philosophique : "Connais-toi
toi même. " Question de la philosophie, de notre philosophie d’Occident,
à sa naissance ; et qui fait naître en nous le philosophe, l’homme qui se
souvient de soi ; et s’interroge. Question "ontologique " : question
de l’être ; de l’être que je suis, qui est mon lien essentiel, nécessaire, avec
l’être ; moi, l’être que – si j’ose dire – "j’ai sous la main " : "Dasein " ; et qui pourtant m’échappe,
insaisissable, incompréhensible – … jusqu’à
ce que je comprenne que je suis
à moi-même un monstre incompréhensible, écrit Pascal ; et que, de cette
contradiction, sur cette faille, j’édifie ma pensée. […]
Au cours de nos Entretiens, bien des années
plus tard, comme je demandais à Lanza ce qu’il dirait à un jeune homme qui le rencontrerait
pour la première fois, et l’interrogerait… – "Est-ce que tu sais que tu
t’ignores ? " fut sa réponse ; le début de sa réponse. Mais je n’entendis
pas les guillemets, je pris pour moi, à l’instant, de plein fouet, sa réponse,
sa question ; à nouveau saisi, par la présence ; pris "en défaut ".
Je me surprenais absent, distrait. J’étais moi-même ce jeune homme imaginaire,
j’étais celui que j’avais été, vingt ans plus tôt. Je me tenais à la surface de
moi-même, dans l’écume de la pensée, l’ombre de la conscience. Dans l’oubli
naturel de moi-même. Le manque d’attention à soi-même. "
Lanza del Vasto, serviteur de la paix, L’OEuvre,
2011.
Être, ne pas être… on a tellement disserté sur ce sujet de
philosophie que tout ce qu’on peut dire apparaît un peu usé. Rien de tel qu’un
poète pour ôter la rouille du déjà vu, du déjà lu.
Juarroz nous le
prouve en quelques mots. Il n’analyse rien, il recourt à une image et pourtant,
sans rien dire de compliqué il dit l’essentiel. Il n’explique rien et pourtant
tout est dit – à la manière je trouve des koan
du zen :
"Être.
Et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits en dessous.
Et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits en dessous.
Ne pas être.
Et rien de plus.
Jusqu'à ce que se forme un puits au-dessus.
Ensuite,
entre ces deux puits,
le vent s'arrêtera un instant."
(Douzième poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen)
Trouver un autre souffle (pour mieux être respiré/inspiré)
La notion de souffle est primordiale non seulement dans le
yoga mais dans toutes les religions (spiritus,
pneuma, ruach, chi, prânâ…) et aussi dans le domaine de l’expression
artistique. On dit par exemple d’un artiste qu’il "manque de souffle ".
Et puis, bien sûr il y a le phénomène de l’inspiration qui fait qu’un artiste
est ou n’est pas "inspiré ". Ce verbe, employé ici à la voix
passive montre que le peintre, le musicien ou le poète n’est pas acteur de
cette respiration mais qu’il est agi ou non par elle. Sans entrer dans une
analyse de ce phénomène complexe, nous pouvons l’assimiler à une forme
d’intuition supérieure. Si l’artiste accepte de ne plus être l’artisan de sa
création, s’il accepte d’être le creuset en qui une réaction de type alchimique
va se faire, alors on peut dire qu’il est le vecteur et non l’auteur de sa
production.
Pierre Dhainaut,
déjà cité, sans analyser ce phénomène complexe, trouve magnifiquement les mots
qui en expriment la manifestation :
" L’importance
du souffle :
"Serait-ce l'engagement vers une
libération ? Cette libération semble consister en un apprentissage de la
respiration :
[…]
Il semble que se trace une parenté entre le
souffle humain et celui de l’univers, entre l’haleine et l’esprit (spiritus). Le vent est de l’ordre de
l’invisible comme le souffle humain ressemble au vent. Intuition d’une
conscience-énergie ?
"N’espérer de secours / que de la
gorge, apprendre à faire corps avec l’air sans réserve en ne respirant qu’à son
rythme / au centre, au loin […]. "
Faire sien le double mouvement qui partout et
toujours anime l’univers : naissance et mort, création et
destruction, désir et crainte, aspiration et renoncement… Quand je dis : "faire
sien " : il s’agit plutôt d’accepter totalement ces deux pôles
sans envisager une seule seconde leur relation comme une contradiction. Ne
les concevoir que comme complémentaires, ce qui a pour effet, par exemple,
d’éroder à la fois le désir et la crainte : "on ne craint plus
d’obstacles, il n’y a plus de cibles. " Pleinement assumés, le désir
et la crainte, qui bornent l’univers étriqué que s’est construit le moi,
s’effacent en tant qu’émotions contraires l’une à l’autre. Ne plus être qu’un
balancement, qu’un mouvement respiratoire dont les deux pôles ne peuvent
exister que l’un par l’autre.
Épouser, suivre la force paradoxale qui anime le monde. Il s’agit de
se laisser porter. Lâcher-prise (tâche difficile pour notre langage et nos
gestes quotidiens qui visent toujours au contraire à fixer les contours du
moi).
La parole semble s’effacer au profit de la
respiration. Ou, plus exactement, elle ne mérite de s’élever que si elle se
fait elle-même respiration :
"…et joie comme inquiétude / nous
découvrons leur secret par les lèvres. "
Lèvres ou gorge, organes de la parole,
semblent ici surtout organes de la respiration. Glissement de perspective.
"A moins qu’il ne s’agisse d’entrer en soi-même, mais
pour en faire éclater les limites et y retrouver l’infini de l’univers, du
large. Il s’agirait donc d’apprendre à sortir des limites. Lesquelles ? Celles
du moi ? Celles de l’intériorité qui nous sépare du monde extérieur ?
Celles d’un langage qui n’est que le prolongement de ce moi qui croit se
suffire à lui-même ? " (extraits de : Fragments et
louanges)
On le sent ici extrêmement proche des mystiques orientaux
pour qui le souffle – le prânâ indien
– est beaucoup plus que le résultat d’un phénomène physiologique.
Mais P, Dhainaut n’est de loin pas le seul à aborder ce
sujet. Permettez-moi un saut dans le passé… Au XVIe siècle les poètes de la
Pléiade s’interrogent longuement sur le phénomène de l’inspiration, vue comme
une manifestation proche de la folie furieuse faisant du poète un exalté. Écoutons
Ronsard :
"Mais tout
soudain je suis épouvanté
Car son beau nom
(Cassandre) qui l’esprit me martyre
Hors de moi-même
étonné me retire,
De cent fureurs
brusquement tourmenté "
Et, plus loin, il ajoute :
"Fol et béant, je
n’ouvre que la bouche
Et, sans parler, ma
voix se perd en vain. "
Cette folie est clairement celle des visionnaires de l’Antiquité
ou autre Pythie, en proie à l’horreur sacrée, à cette même terreur que connaît Dante guidé par Virgile, au début de la
Divine Comédie. Il s’agit d’un
véritable contact avec le sacré. Il est intéressant de constater que
l’inspiration relie le poète du XVIe siècle aux éléments de la nature, eau air
et feu renforçant le réseau des liens qui l’unissent aux forces élémentaires de
l’univers. Les poètes de la Pléiade ignorent tout de la nature du prânâ,
évidemment. Et pourtant ils en vivent les manifestations puisqu’ils deviennent
les réceptacles de cette énergie qui se manifeste en eux. On comprend dès lors
que la poésie, qui est le langage des dieux, ait un caractère sacré. Et que la
fonction du poète consiste à transmettre aux hommes une vérité d’essence supérieure.
Son extralucidité lui permet en effet de percer le mystère des choses et la
poésie devient une herméneutique (art d’interpréter les textes sacrés, les
messages des dieux), moyen privilégié de connaissance.
Vous sentez qu’il y a là une piste qu’il serait intéressant
de suivre puisque une proximité très étroite (une de plus) unit poésie et
spiritualité.
Pour revenir à des périodes plus
récentes je mentionnerai au passage V. Hugo pour qui
le poète est un voyant et un guide inspiré par Dieu et, plus près de nous,
la poésie de Rilke qui est aussi une
célébration, une hantise du souffle. Le grand souffle qui parcourt et ensemence
le monde. Mais avec eux nous basculons du côté des poètes croyants, donc hors
de notre propos.
Ce souffle, si important pour l’artiste créateur,
s’accompagne souvent d’une quête de la verticalité. Tous les poètes qui nous
intéressent, les non religieux donc mais préoccupés – voire obsédés – par la recherche du sens, visent à une forme
d’élévation (pour employer un terme du vocabulaire baudelairien). Y compris
d’ailleurs les chantres de la vie simple et quotidienne. Il ne s’agit pas alors
d’une ascension grandiose que seule exprimerait un lyrisme plus ou moins
grandiloquent. Cette verticalité, le plus souvent, prend son élan sur les
choses du réel jugées, par qui n’est pas poète, comme les plus insignifiantes.
Le choix de la verticalité contre l’horizontalité
L’œuvre de Roberto Juarroz
(argentin né 1925) porte le titre général de "Poésie verticale ".
Il dit lui-même qu’il cherche à traduire la verticalité de la
transcendance, "bien entendu
incodifiable ", précise-t-il. Comprenons qu’il ne s’inscrit dans
aucune perspective religieuse ou philosophique. La verticalité s'exprime vers
le bas et vers le haut, sans connotation positive ou négative.Difficile de ne pas s’arrêter à propos de ce thème sur 4 strophes de Baudelaire qui expriment tellement bien le désir du voyage intérieur :
"Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.
Dites, qu’avez-vous vu ?
[…]
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !"
Lui aussi voleur de feu, explorateur de l’inconnu,
Baudelaire annonce Rimbaud et son
fameux Bateau ivre dont l’expérience de liberté se solde par un
échec (il regrette la bourbeuse tranquillité du port) mais qui peut témoigner
d’une expérience hors de toute mesure au bout de laquelle se trouvait peut-être
l’envol final (nous dirons la libération)
"J'ai vu des
archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?"
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?"
Cette interrogation qui restera sans réponse (Rimbaud se
convertira au commerce d’armes et de café…) a qqch de poignant.
On peut songer aussi aux conquérants de Hérédia, flibustiers initialement avides d’or et de vin qui, durant
le voyage, au contact de ces deux infinis que sont le ciel et la mer, sont en
qque sorte rendus à la verticalité, sont remis debout (donc humanisés parce
qu’ils ont trouvé un axe en regardant "monter,
du fond de l’océan des étoiles nouvelles ")
Tous ces poètes (il y en a d’autres) donnent
raison à Bataille pour qui – je
cite - : " la poésie est la
voie qui relie la transcendance verticale et l’immanente profondeur. "
Là encore, nous sommes bien d’accord, la verticalité dont il
a été question dans ces qq exemples n’a rien de physique malgré les apparences.
De même que lorsque Sri Aurobindo évoque la "descente de la force "
(idem dans les évangiles ou dans le Coran…) il ne s’agit que de l’expression en
termes d’espace (le haut et le bas) d’un phénomène que vit la conscience. Et
qui est d’ailleurs plus un phénomène d’expansion que d’élévation.
C’est assez évident lorsque Baudelaire écrit dans son poème,
Elévation :
"Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté."
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté."
Cette attirance vers l’Azur (qu’il soit en haut ou en bas)
n’empêche pas la dilatation de tout l’être dont l’expansion, si elle est
possible, lui permettrait d’épouser toutes les directions pour se fondre dans
la globalité de l’univers. Là encore on rejoint les expériences mystiques (tous
les maîtres en témoignent) par lesquelles les limites entre le moi et le monde peuvent
être annihilées parce qu’elles ne sont qu’une illusion du moi. L’être humain
procède de la même énergie que ce qui l’entoure et la notion de séparativité
est ignorance. Il n’y a pas moi et le monde : je suis le monde et le monde
est moi. Il se trouve que certains poètes ont pressenti cette expérience qui
paraît folle et que pourtant même les recherches actuelles (en mécanique
quantique) sont capables d’envisager très sérieusement. Certains physiciens
seraient complètement d’accord avec Rilke lorsqu’il
déclare : Ainsi la vie n’est
que le rêve d’un rêve, Mais l’état de veille est ailleurs.
Se fondre dans la totalité…
Restons avec R.-M.
Rilke (1875 – 1926), qui n’a rien d’un physicien, et écrit ailleurs :
Inquiétude
"…au
fond de la forêt fanée est un appel d’oiseau,
qui
sans raison resplendit dans cette forêt fanée.
Et
pourtant cet appel rond d’oiseau
se
repose dans l’instant qui le créa,
large
comme un ciel sur la forêt fanée.
Docilement
tout vient prendre place dans ce cri :
le
paysage tout entier semble s’y contenir sans bruit,
le
grand vent semble s’y lover,
et
la minute, qui veut s’en aller,
est
blême et muette, comme si elle savait les choses
qui
nous obligeraient à mourir,
montant
de lui."
Rainer
Maria Rilke, né 1900, Berlin-Schmargendorf
G. Bataille déclare
que la poésie est un "élan vers la
pure intensité […] Elle sait me débarrasser des quantités, des qualités. Par
elle, j’apprends l’adhésion à ce qui est. "
Et, plus loin : "M’extirpant de la réalité convenue [la poésie] est prête à me projeter
dans le réel. Le poème dissout les images où je me cogne tous les jours. Ou,
plus exactement, il fait coïncider la forme avec le vide dont elle est
issue. "
"Que peut la
poésie ? Me réveiller de moi-même et de ce qui m’entoure "
"D’un geste unique la poésie peut me
relier à l’univers et à moi-même, tout en me déliant de leur image
conventionnelle et figée. Elaborer une religion sans dogme. "
Rappelons que religion signifie "qui relie ".
"Le poème
n’est-il pas ce labyrinthe initiatique dont il s’agit d’atteindre le centre
vide où, me perdant, j’atteins la plénitude ? "
Juarroz
"Il dessinait partout des fenêtres.
Sur les murs trop hauts,
sur les murs trop bas,
sur les parois obtuses, dans les coins,
dans l'air et jusque sur les plafonds.
Il dessinait des fenêtres comme s'il dessinait des oiseaux.
Sur le sol, sur les nuits,
sur les regards tangiblement sourds,
sur les environs de la mort,
sur les tombes, les arbres.
Sur les murs trop hauts,
sur les murs trop bas,
sur les parois obtuses, dans les coins,
dans l'air et jusque sur les plafonds.
Il dessinait des fenêtres comme s'il dessinait des oiseaux.
Sur le sol, sur les nuits,
sur les regards tangiblement sourds,
sur les environs de la mort,
sur les tombes, les arbres.
Il dessinait des fenêtres jusque sur les portes.
Mais jamais il ne dessina une porte.
Il ne voulait ni entrer ni sortir.
Il savait que cela ne se peut.
Il voulait seulement voir : voir.
Il dessinait des fenêtres.
Partout."
G. Bataille ne
dit rien d’autre que ce qu’on trouve dans les textes hindouistes : "Le réel et l’irréel : une même et
unique pièce de monnaie. De même que l’existence et l’inexistence, l’objet
et le sujet, l’être et la pensée : Et surtout, catégories suprêmes d’où
naissent toutes les autres : la chose et le rien. Pourquoi y a-t-il
qqchose plutôt que rien ? nous ressasse la tradition occidentale. La
poésie me délivre de cette fausse question en répondant par la double
négative : ni qqchose, ni rien. Qu’y a-t-il d’autre, poursuit-elle, que le
geste ou l’énergie d’être, qui est aussi passage (ou non-être), et vision (ou
pensée) ? Comme si l’acte de voir coïncidait avec la chose vue et avec
l’observateur. "
Si je fais un
avec l’univers qui m’entoure je ne peux plus mourir (cf. la Bhagavad Gîta) Par la métamorphose de nous-mêmes et le changement nous
comprenons l'invisible et le visible, les 2 faces d’une même réalité que nous
rejoignons pour nous y fondre.
La mort
elle-même n’a plus rien alors d’effrayant puisqu’elle fait partie de la vie (l’antonyme
de mort est naissance)
Rilke :
"Cette mort tapie en nous, il nous
faut l'apprivoiser, car c'est notre seule grande certitude. Et notre seule
possibilité d'être pleinement homme est de se mettre en accord avec elle, avec
le monde. "
Il s’agit donc de dépasser les catégories rationnelles ou
qui nous paraissent telles... Sans doute est-ce l’obstacle le plus difficile à
surmonter. Le regard des autres nous paralyse. Nous ne voulons pas faire de
vagues. Nous voulons nous "intégrer ". Agir "comme il
faut ". Mais d’où vient ce "comme il faut " ? Agir
"normalement " c’est se condamner à attraper la "normose ",
la plus sournoise des MNI (maladie non identifiée) actuelles…
…en dépassant les catégories dites normales
Tant que nous restons prisonniers des schémas mentaux
transmis par l’éducation (possible – pas possible, juste-faux, bien-mal, vie-mort,
etc.) nous ne pouvons pas avancer d’une encablure. Les grands sages et en
particulier les maîtres zen ou indiens ne sont pas conventionnels : un
Ramakrishna, s’il était encore de ce monde et avait vécu à Genève, aurait été
interné séance tenante tant son comportement était hors des convenances
habituelles. Les fous de Dieu se comportent souvent en foldingues. Sans aller
jusque là, il apparaît que les poètes cherchant du nouveau, comme dit Rimbaud,
ne pensent ni n’agissent comme tout le monde pense et agit. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont eux-mêmes. Parce qu’ils n’ont cure de ressembler aux modèles
imposés par une société sans audaces, sans personnalité. La plupart du temps,
ils ne sont pas "marginaux " dans le but de l’être ni dans aucun
but d’ailleurs. Un sage (je pense à un Deshimaru, par exemple) qui provoque vise
à secouer la torpeur que créent en nous les pseudo-vérités et autres opinions
convenues. Nous désanesthésier en quelque sorte). La plupart du temps, cette façon d’être vraiment
soi-même demeure invisible aux autres car elle n’affecte pas le comportement
extérieur. Elle n’est pas une attitude calculée. Mais il est évident qu’on ne
peut pas "devenir qui on est " en tenant compte du regard des
autres.
De façon plus subtile, ce sont nos schémas mentaux qu’il
convient de remettre en question, au risque de bousculer notre confort
intérieur.
R. Juarroz :
"La part du oui / qu’il y a dans le
non / et la part du non / qu’il y a dans le oui / sortent parfois de leur lit /
et s’unissent dans un autre lit / qui n’est ni oui ni non /Dans ce lit court le
fleuve / des plus vives eaux. "
Qu’il s’agisse de Bataille ou de Juarroz, on croirait entendre ces traités hindouistes ou
bouddhistes (mêmes chrétiens parfois – je pense à St jean de la Croix) qui
réconcilient les antagonismes dans une proximité inconfortable que la raison ne
peut concevoir, le but étant de montrer que prétendre saisir mentalement,
rationnellement certains concepts (dont par exemple celui de la nature du
divin) est impossible.
Bataille : "Gigantesque pouvoir :
longuement pratiquée, la poésie peut finalement me délivrer de l’émotion, arme
par laquelle le mental, tjrs mesurant et mensonger, s’interpose entre le monde
et moi, étalant son jeu de nuances. Et m’ouvrir le sentier du sentiment, qui
est écoute plus que parole. "
Nous avons en nous le pouvoir de déchiffrer le monde à
condition de croire en ce pouvoir. Mais nous devons laisser de côté les
catégories préfabriquées et ignorer des limitations qui nous ont été présentées
comme évidentes et inévitables. Le prêt à penser condamne toute possibilité de
découverte.
Juarroz :
Nous avons aussi trahi l’eau
"La pluie ne tombe pas pour cela
Le fleuve ne coule pas pour cela
la mare ne stagne pas pour cela
la mer n’est pas présence pour cela.
Le fleuve ne coule pas pour cela
la mare ne stagne pas pour cela
la mer n’est pas présence pour cela.
Nous avons une fois de plus perdu le
message,
Les voyelles ouvertes
du langage de l’eau,
sa transparence palpable et inouïe.
Les voyelles ouvertes
du langage de l’eau,
sa transparence palpable et inouïe.
Nous ne sûmes pas même
boire la transparence.
Boire quelque chose c’est l’apprendre.
boire la transparence.
Boire quelque chose c’est l’apprendre.
Et apprendre la transparence c’est continuer
à apprendre l’invisible."
(Douzième poésie verticale, poème 40, traduction de Fernand Verhesen)
à apprendre l’invisible."
(Douzième poésie verticale, poème 40, traduction de Fernand Verhesen)
Il s’agit, comme dit C. Vigée,
de se "…frayer un sentier
vers le lieu de la confiance première. Et puis à forer, par un rebondissement
inouï, l'autre chemin, contraire mais parallèle ; un chemin qui serait le
frère jumeau du premier. Celui de l'ouverture au temps et à l'espace habités de
ce monde, au sein duquel nous nous enfonçons comme un fleuve s'écoule vers
l'océan, en y répandant au passage la semence de ses grandes eaux qui
étincellent dans le soir montant, et fécondent librement le ventre de la terre.
En supprimant les frontières que nous avons
créées, du moins en les repoussant, nous nous désenclavons, nous communions
avec tout ce qui nous entoure et la solitude n’existe plus :
Avec Andrée Chedid nous pouvons alors dire :
Pour Matthieu Baumier
"Mon pays est partout
Sur toutes les terres du monde
Il est dans l’autre part
Il est dans l’ailleurs
Sur toutes les terres du monde
Il est dans l’autre part
Il est dans l’ailleurs
Mon pays est partout
Au bord des alentours
Dans la halte
Et l’étape
Dans le vivre
Et la demeure
Dans le plus loin
Et dans l’ici."
Au bord des alentours
Dans la halte
Et l’étape
Dans le vivre
Et la demeure
Dans le plus loin
Et dans l’ici."
[dans L’étoffe de l’univers,
Flammarion, 2010]
Si nous bousculons les idées reçues,
nous percevons le monde autrement. Prenons l’exemple de l’obscurité et de la
lumière auxquelles on associe presque tjrs la même valeur : obscurité =
négative ; lumière = positive. Rainer Maria Rilke :
"Toi
obscurité, d’où je suis issu,
je
t’aime plus que la flamme,
qui
trace les frontières du monde.
Parce
qu’elle luit
pour
n’importe quel cercle,
hors
duquel nul être ne sait rien d’elle.
Mais
l’obscurité contient tout en elle :
Figures
et flammes, bêtes et moi-même,
comme
elle les capture, hommes, puissance.
Et
il se peut ceci : une force immense
bouge
tout près de moi.
Je
crois aux Nuits."
Merci Gérard pour cette essence de mots qui ont éveillés mon silence et ma flamme.
RépondreSupprimerMerci aussi pour ce merveilleux blog que je découvre aujourd'hui, précieuse lueur sur mon chemin.
Cordialement
Fabienne-Gaëlle
Je découvre tardivement ton commentaire et je t'en remercie,. Tant qu'il y aura des personnes sensibles à la poésie tous les espoirs sont permis !
Supprimer