Rencontre sur le Mékong

dimanche 13 août 2017

YOGA et TRANSHUMANISME (2)



ARGUMENTS EN FAVEUR DU TRANSHUMANISME

Le courant transhumaniste nous incite à ne pas refuser les perfectionnements, les mutations, les augmentations que les techniques ont commencé à mettre à notre disposition. Pourquoi faudrait-il enrayer l'évolution de la nature humaine puisque l'état de cette dernière permet à l'homme d'accélérer ou d'imaginer des adaptations nouvelles ? Notre espèce, d'ailleurs, depuis son apparition, n'a rien fait d'autre. Elle a appris non seulement à intervenir dans le processus d'évolution naturelle, à réaliser des croisements d'espèces animales ou végétales, à transformer le vivant, mais aussi à l'équiper de manière à accroître le confort de sa propre vie. Au nom de quel principe faudrait-il renoncer au progrès scientifiques et au développement technique dès lors qu'il n'a pas pour but de détruire l'homme mais au contraire de l'améliorer donc de le rendre plus heureux ?

ARGUMENTS OPPOSÉS AU TRANSHUMANISME

Michael Sandel (professeur à Harvard), Francis Fukuyama (philosophe, économiste), Jürgen Habermas (philosophe) ont souligné le risque majeur que le credo des transhumanistes peut entraîner non seulement sur le plan politico-social mais aussi pour la santé physique et psychique des individus. Ils refusent qu'on use des découvertes techniques à d'autres fins que thérapeutiques et dénoncent également les manipulations génétiques.
Les arguments des transhumanistes se cantonnent aux inventions futures permettant le bien-être de l'homme et ne soulèvent pas les problèmes qu'elles poseraient sur d'autres plans.
Voici donc quelques-uns des arguments qu'on pourrait leur opposer et qui, dans un autre contexte, mériteraient d'être développés :

Arguments socio-politiques
- Les transformations sociales causées par ces mutations ne sont absolument pas imaginées par les transhumanistes qui ne voient que des avantages et des victoires remportées sur le hasard.
- Même si l'accès aux innovations biotechnologiques voit son coût diminuer avec le temps, il n'en demeure pas moins que les plus riches seront favorisés.
Ce n’est pas un hasard si certains adversaires du transhumanisme, dont le plus actif est l’historien Francis Fukuyama, auteur de La Fin de l’homme, reprochent à ce mouvement de promouvoir une forme supérieure de l‘inégalité, celle qui règnerait entre hommes naturels et hommes augmentés.
- Les plus puissants qui possèderont le pouvoir se garderont de permettre l'accès du plus grand nombre aux différentes innovations et, sans rien interdire, empêcheront de facto les moins riches ou les bioconservateurs, moins "bio-techno-performants" d'accéder aux postes de décision. La société s'organisera en citoyens hyperspécialisés et répartis en castes de dirigeants, d'exécutants, etc. Huxley aura alors vu juste et son totalitarisme du Meilleur des Mondes sera réalisé.

Arguments économiques
- La procréation in vitro et les diverses interventions "amélioratives" présentées comme un nouveau service attractif pour les populations aisées et proposées par des professionnels de santé souhaitant au maximum profiter d'un nouveau marché, risquent de créer une nouvelle forme de marchandisation du corps humain.            
- Chacun connaissant ses risques génétiques potentiels[1], les usagers les moins menacés demanderont un allègement de leurs cotisations d’assurance maladie. Le principe de solidarité, qui fonde la sécurité sociale dans la plupart des pays, sera donc en danger.
- Les transhumanistes semblent oublier que les hommes modifiés dépendront économiquement de plus en plus de ceux qui produiront et vendront les dispositifs permettant les perfectionnements sans cesse proposés aux clients.

Arguments scientifiques
- Il est impossible de prévoir à plus ou moins long terme les effets secondaires des manipulations effectuées sur le génome ou le cerveau.
- Les acteurs partisans d'une innovation scientifique ne peuvent (ou ne veulent) envisager les conséquences négatives engendrées par ces innovations : lors de l'invention des matières plastiques (solides, sans odeur, durables…) personne n'avait prévu la pollution (dont celle des océans et la mort de milliers d'oiseaux) qui nous oblige maintenant à revenir à d'autres matières dégradables du passé. Ne parlons pas de la fission de l'atome qui nous a valu Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima… Il faudrait également évoquer la pilule de 3e et 4e générations, d'implants mammaires destructeurs, etc.
- Si la fécondation in vitro offre ces options high tech, quelles conséquences l’élimination des imperfections aura-t-elle sur la biodiversité humaine ?
- L'organisme humain est un, tout est relié à l'extérieur du corps mais également à l'intérieur. La mémoire neuronale n'a pas son siège que dans le cerveau mais dans tout le corps. L'acupuncture, l'iridologie, la podothérapie, apportent la preuve que tout est relié. Dès lors il apparaît vain et dangereux de prétendre changer une pièce de la "machine humaine" parce que, justement, l'humain ne fonctionne pas comme une machine constituée de pièces juxtaposées.

Arguments psychologiques
- L'inflation des écrans modifie déjà le fonctionnement cérébral des enfants accros aux ordinateurs, aux consoles, etc. (difficulté de raisonner). Qu'en sera-t-il si nous nous déchargeons de plus en plus de nos capacités de réflexion sur des machines ?
Le livre développe la pensée causale alors que les images juxtaposées sur un écran imposent une vision fragmentée qui rend impossible l'articulation construite, l'élaboration du raisonnement s'articulant autour de liens de causalité, de rapports multiples, d'extrapolations, d'approfondissements, etc. Le recul nécessaire à une vision critique manque. Tout medium implique et impose une manière de penser ou de ne plus penser mais en tient-on compte ?
- L'incorporation de la technologie dans le corps modifie notre façon de sentir, de percevoir et atrophie notre rapport naturel au monde et aux êtres. Comment sera vécu par la psyché ce nouveau rapport ?
- Les enfants soi-disant "améliorés" auront été déterminés par leurs parents, des parents-designers en quelque sorte... Ils peuvent fort bien mal le vivre…  Quant à ceux qui n'auront pas été "améliorés", comment réagiront-ils ? Dans les deux cas la nature ne pouvant être incriminée, les mécontents se retourneront contre les parents.

Arguments moraux
- Faire un enfant in vitro consiste à prendre deux embryons (les plus… performants) sur une dizaine et à les introduite dans l'utérus demandeur. Les autres sont congelés pendant quatre ans. Ceux non réclamés par la femme deviennent un matériau biologique ou sont détruits.
- Le transhumanisme veut améliorer l'espèce humaine. Cette vision d'un futur habité de "surhommes" n'est pas sans évoquer les pires heures du XXe siècle : on a vu à quoi menait, dans un système totalitariste, la volonté de créer un "homme nouveau"... Que deviennent les "hommes" dans un monde de "surhommes" ?




[1] Le séquençage du génome, mis en place depuis quelques années, permet pour un coût de plus en plus modique, de connaître quels sont nos risques de contracter telle ou telle maladie.

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