ARGUMENTS EN FAVEUR DU TRANSHUMANISME
Le courant
transhumaniste nous incite à ne pas refuser les perfectionnements, les
mutations, les augmentations que les techniques ont commencé à mettre à notre
disposition. Pourquoi faudrait-il enrayer l'évolution de la nature humaine puisque
l'état de cette dernière permet à l'homme d'accélérer ou d'imaginer des
adaptations nouvelles ? Notre espèce, d'ailleurs, depuis son apparition, n'a
rien fait d'autre. Elle a appris non seulement à intervenir dans le processus
d'évolution naturelle, à réaliser des croisements d'espèces animales ou
végétales, à transformer le vivant, mais aussi à l'équiper de manière à
accroître le confort de sa propre vie. Au nom de quel principe faudrait-il
renoncer au progrès scientifiques et au développement technique dès lors qu'il
n'a pas pour but de détruire l'homme mais au contraire de l'améliorer donc de
le rendre plus heureux ?
ARGUMENTS OPPOSÉS AU TRANSHUMANISME
Michael Sandel
(professeur à Harvard), Francis Fukuyama (philosophe, économiste), Jürgen Habermas
(philosophe) ont souligné le risque majeur que le credo des transhumanistes
peut entraîner non seulement sur le plan politico-social mais aussi pour la
santé physique et psychique des individus. Ils refusent qu'on use des
découvertes techniques à d'autres fins que thérapeutiques et dénoncent
également les manipulations génétiques.
Les arguments des
transhumanistes se cantonnent aux inventions futures permettant le bien-être de
l'homme et ne soulèvent pas les problèmes qu'elles poseraient sur d'autres plans.
Voici donc quelques-uns
des arguments qu'on pourrait leur opposer et qui, dans un autre contexte,
mériteraient d'être développés :
Arguments socio-politiques
- Les transformations
sociales causées par ces mutations ne sont absolument pas imaginées par les transhumanistes
qui ne voient que des avantages et des victoires remportées sur le hasard.
- Même si l'accès aux
innovations biotechnologiques voit son coût diminuer avec le temps, il n'en
demeure pas moins que les plus riches seront favorisés.
Ce n’est pas
un hasard si certains adversaires du transhumanisme, dont le plus actif est
l’historien Francis Fukuyama, auteur de La Fin de l’homme, reprochent à ce mouvement de promouvoir
une forme supérieure de l‘inégalité, celle qui règnerait entre hommes naturels
et hommes augmentés.
- Les plus puissants
qui possèderont le pouvoir se garderont de permettre l'accès du plus grand
nombre aux différentes innovations et, sans rien interdire, empêcheront de
facto les moins riches ou les bioconservateurs, moins
"bio-techno-performants" d'accéder aux postes de décision. La société
s'organisera en citoyens hyperspécialisés et répartis en castes de dirigeants,
d'exécutants, etc. Huxley aura alors vu juste et son totalitarisme du Meilleur des Mondes sera réalisé.
Arguments économiques
- La
procréation in vitro et les diverses interventions "amélioratives"
présentées comme un nouveau service attractif pour les populations aisées et
proposées par des professionnels de santé souhaitant au maximum profiter d'un
nouveau marché, risquent de créer une nouvelle forme de marchandisation du
corps humain.
- Chacun
connaissant ses risques génétiques potentiels[1], les
usagers les moins menacés demanderont un allègement de leurs cotisations
d’assurance maladie. Le principe de solidarité, qui fonde la sécurité sociale
dans la plupart des pays, sera donc en danger.
- Les
transhumanistes semblent oublier que les hommes modifiés dépendront
économiquement de plus en plus de ceux qui produiront et vendront les
dispositifs permettant les perfectionnements sans cesse proposés aux clients.
Arguments scientifiques
- Il est impossible de
prévoir à plus ou moins long terme les effets secondaires des manipulations
effectuées sur le génome ou le cerveau.
- Les acteurs partisans
d'une innovation scientifique ne peuvent (ou ne veulent) envisager les
conséquences négatives engendrées par ces innovations : lors de l'invention des
matières plastiques (solides, sans odeur, durables…) personne n'avait prévu la
pollution (dont celle des océans et la mort de milliers d'oiseaux) qui nous
oblige maintenant à revenir à d'autres matières dégradables du passé. Ne
parlons pas de la fission de l'atome qui nous a valu Hiroshima, Tchernobyl,
Fukushima… Il faudrait également évoquer la pilule de 3e et 4e
générations, d'implants mammaires destructeurs, etc.
- Si la
fécondation in vitro offre ces options high tech, quelles
conséquences l’élimination des imperfections aura-t-elle sur la biodiversité
humaine ?
- L'organisme
humain est un, tout est relié à l'extérieur du corps mais également à
l'intérieur. La mémoire neuronale n'a pas son siège que dans le cerveau mais
dans tout le corps. L'acupuncture, l'iridologie, la podothérapie, apportent la
preuve que tout est relié. Dès lors il apparaît vain et dangereux de prétendre
changer une pièce de la "machine humaine" parce que, justement,
l'humain ne fonctionne pas comme une machine constituée de pièces juxtaposées.
Arguments psychologiques
- L'inflation des
écrans modifie déjà le fonctionnement cérébral des enfants accros aux
ordinateurs, aux consoles, etc. (difficulté de raisonner). Qu'en sera-t-il si
nous nous déchargeons de plus en plus de nos capacités de réflexion sur des
machines ?
Le livre développe la
pensée causale alors que les images juxtaposées sur un écran imposent une
vision fragmentée qui rend impossible l'articulation construite, l'élaboration du
raisonnement s'articulant autour de liens de causalité, de rapports multiples,
d'extrapolations, d'approfondissements, etc. Le recul nécessaire à une vision
critique manque. Tout medium implique et impose une manière de penser ou de ne
plus penser mais en tient-on compte ?
- L'incorporation de la
technologie dans le corps modifie notre façon de sentir, de percevoir et
atrophie notre rapport naturel au monde et aux êtres. Comment sera vécu par la
psyché ce nouveau rapport ?
- Les enfants
soi-disant "améliorés" auront été déterminés par leurs parents, des
parents-designers en quelque sorte... Ils peuvent fort bien mal le vivre… Quant à ceux qui n'auront pas été
"améliorés", comment réagiront-ils ? Dans les deux cas la nature ne
pouvant être incriminée, les mécontents se retourneront contre les parents.
Arguments moraux
-
Faire un enfant in vitro consiste à prendre deux embryons (les plus… performants) sur une dizaine et à les
introduite dans l'utérus demandeur. Les autres sont congelés pendant quatre
ans. Ceux non réclamés par la femme deviennent un matériau biologique ou sont
détruits.
- Le
transhumanisme veut améliorer l'espèce humaine. Cette vision d'un futur habité
de "surhommes" n'est pas sans évoquer les pires heures du XXe siècle
: on a vu à quoi menait, dans un système totalitariste, la volonté de créer un
"homme nouveau"... Que deviennent les "hommes" dans un
monde de "surhommes" ?
[1] Le séquençage du génome, mis en
place depuis quelques années, permet pour un coût de plus en plus modique, de
connaître quels sont nos risques de contracter telle ou telle maladie.
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