Rencontre sur le Mékong

mercredi 16 octobre 2013

POESIE ET QUETE D'ABSOLU (4) - L'Age d'Or dans la littérature française

Du Moyen Age à l'époque contemporaine


La nostalgie d'un monde heureux qui nous a échappé...


Au Moyen Age l'âge d'or devient une promesse, celle d'un futur paradisiaque et d'un monde de paix. Les hommes du M.-A. vivent encore dans la proximité permanente du sacré. La période la plus riche est celle du XIIe siècle avec la littérature courtoise et en particulier une œuvre qui mêle le christianisme et les mythes celtes. On pense surtout à Perceval ou le conte du Graal, 1181, parce qu’il rejoint notre propos.

Le Roi pêcheur ou Roi blessé (en vieux français le "Roi Méhaignié ") figure dans la légende arthurienne comme le dernier d'une lignée chargée de veiller sur le Saint Graal. Dans les textes du Moyen Âge tardif, on le qualifie de ce fait souvent de "Riche Roi Pescheur " en référence à l'inestimable trésor dont il assure la garde (un trésor spirituel plus que matériel).
Le récit de son histoire varie largement, mais ce roi est à chaque fois blessé aux jambes ou à l'aine, et incapable de se mouvoir seul. Depuis sa blessure, son royaume semble partager ses souffrances, comme si l'infirmité du roi rendait la terre stérile. C'est le mythe de la Terre Désolée (en ancien français : Terre Gaste, à rapprocher de l'anglais "Waste Land ").
On peut évidemment interpréter ce mythe comme le symbole de notre monde déchu (cf. l’âge de fer)
Donc ce roi ne peut plus rien faire d’autre si ce n’est de pêcher dans la rivière auprès de son château de Corbenic. De tous les horizons, les Chevaliers accourent afin de soigner le Roi pêcheur mais seul l'élu, le bon chevalier, pourra accomplir ce miracle. Dans les premiers récits, ce sera Perceval.
Après maintes péripéties, un soir qu'il cherchait un gîte, Perceval est reçu par le "Roi Pescheor". Des valets l'habillent d'écarlate et l'introduisent dans une vaste salle carrée au milieu de laquelle gît, à demi couché sur un lit, un homme vêtu de zibeline.

Voici quelques extraits du récit :
"Tandis qu'ils parlaient de choses et d'autres, un jeune valet, qui porte une lance blanche qu'il tien par le milieu, sort d'une chambre ; il passe entre le feu et ceux qui étaient assis sur le lit. Tout le monde pouvait voir la lance blanche et l'éclat de son fer. Il sortait une goutte de sang à la pointe de la lance. Le jeune Perceval qui vient d'arriver en ces lieux voit ce spectacle surprenant mais il se retient de demander comment cela peut se produire, car il se rappelle la recommandation de celui qui lui a appris la chevalerie : il faut se garder de trop parler.Il a donc peur, s'il pose une question, qu'on le trouve grossier et c'est pour cette raison qu'il ne demande rien.
Deux autres jeunes gens apparurent à ce moment qui portaient des chandeliers d'or pur, décorés de fines incrustations noires. Ces jeunes gens étaient d'une immense beauté. Sur chaque chandelier brûlaient au moins dix chandelles. Une demoiselle portait un graal à deux mains et s'avançait avec les jeunes gens : elle était belle, gracieuse, et élégamment habillée. Quand elle fut entrée dans la pièce avec le graal qu'elle portait, il y eut une si grande lumière que les chandelles semblèrent plus sombres, comme les étoiles ou la lune quand le soleil commence de briller. Une autre demoiselle venait derrière elle : elle portait un plat en argent [...] Perceval vit passer les jeunes gens mais il n'osa pas demander qui l'on servait dans ce graal, car il pensait toujours à la recommandation du sage seigneur.
J'ai bien peur que le mal soit déjà fait, car j'ai souvent entendu dire qu'on peut parfois trop se taire, tout comme on peut parfois trop parler. Mais cependant, le jeune homme ne leur pose aucune question, ni pour son bien ni pour son malheur. 
[...] On servit d'abord un cuissot de cerf bien gras, bien poivré. Ils ne manquèrent pas de vin, ni fort ni léger et ils en remplirent plusieurs fois leurs coupes d'or. Un serviteur coupa devant eux le cuissot de cerf au poivre après l'avoir déposé sur le plat d'argent, et il leur présenta chaque morceau individuellement sur une grande tranche de pain. Pendant ce temps le graal traversa encore la salle devant eux - le jeune homme ne demanda pas qui l'on servait avec ce graal. Il s'en gardait à cause du seigneur respectable qui lui avait conseillé de ne pas trop parler : ce conseil lui reste en mémoire, il ne cesse d'y penser."

Que comprendre ? D'abord que Perceval est plus silencieux qu'il ne devrait l'être. A chaque mets qu'on apporte, il voit le graal passer juste devant lui et ne sait à quoi il sert.Il se dit qu'avant de quitter le château il demandera à l'un des serviteurs et s'occupe de bien manger et bien boire...

A l'aube Perceval trouve le château vide. Actionné par des mains invisibles, le pont-levis s'abaisse devant lui. Perceval reprend la route, décidé à élucider le mystère et surtout à retrouver un jour ce graal.

Peu de temps après, une dame d'aspect horrible, telle qu'on en voit dans les légendes celtiques, arrive à la cour et reproche à Perceval de n'avoir pas interrogé son hôte à propos du graal : la question aurait eu le pouvoir de guérir le roi blessé et, en même temps, de lever la malédiction pesant sur ses terres.

L'interprétation de ce mythe est multiple. Les poètes l'évoquent souvent sans préciser la nature de ce qui a été perdu et justifie les regrets. Ils retiennent surtout que nous avons à portée de nous le pouvoir de changer ce qui n'est qu'un ersatz de la réalité sublime à laquelle nous pourrions prétendre si nous (nous) posions les vraies questions plutôt que de nous tourner vers les séductions du quotidien (la bonne chère symbolise ce dont nos sens préfèrent se repaître - ce qui nous détourne d'un objectif plus essentiel).

Ce Graal que l’on porte en soi et qui nous est obscur est l’objet d’une quête qui, loin d’être une promenade de santé, est une chevauchée fantastique sur la voie du dépassement du moi, pour y découvrir le Soi ou pour naître à nouveau. Le Roi pêcheur peut être perçu comme cette part de nous même qu’il s’agit de guérir (le roi est infirme) et avec qui je dois rétablir le contact afin de mettre fin à l’obscure ignorance dans laquelle je vis et qui m’empêche d’avancer. Ce serait le sens de la quête aux multiples épreuves, au travers de la "forêt périlleuse " que le chevalier doit traverser pour arriver au château – que l’on pourrait interpréter comme le lieu intérieur où pourra se produire la transformation et qui n’est pas facile d’accès. La coupe serait le symbole de cette connaissance d’un ordre supérieur apte à nous dépouiller du vieil homme que nous étions pour nous transmuter en l’être que nous n’aurions jamais dû cesser d’être.

Le mythe de l'âge d'or est au coeur du Roman de la Rose : Ami prend longuement la parole pour dire combien on est loin de la loyauté et de la simplicité des premières amours dans ce monde où règne la propriété : il est d'ailleurs interrompu dans son long discours par le mari jaloux.

Dès cette époque les poètes ont donc en eux la certitude, en tout cas le pressentiment que nos malheurs pourraient ne pas être d’abord si nous avions fait ce qu’il faut pour qu’ils s’abattent sur nous. Nous sommes responsable de ce divorce d’avec le monde de la perfection, celui des dieux ou de Dieu. Apparaît constamment un sentiment de culpabilité : nous sommes punis – donc nous sommes sûrement coupables de quelque chose. Cette notion de faute énigmatique commise aux origines est caractéristique de notre civilisation judéo-chrétienne. Nous sommes en exil, condamnés à regretter la patrie que nous aurions peut-être pu ne pas quitter si nous nous étions montrés dignes de notre créateur.


On retrouve ce sentiment d’exil chez  bon nombre d’autres poètes du M.-A. dont, bien sûr, Jaufré Rudel (1100 – 1150) dans ce magnifique texte dont je vous livre qq vers :

"Lorsque les jours sont longs en mai
M'est beau doux chant d'oiseaux de loin
Et quand je suis parti de là
Me souvenant d'amour de loin
Vais de désir front bas et clin* (* incliné)
Ainsi chants ni fleurs d'aubépine
Me plais(ent) plus que l'hiver(nale) gelée

Jamais d'amour me réjouirai
Si ne jouis (de) cet amour de loin
Que mieux ni meilleur ne connais
Vais nulle part ni près ni loin
Tant est son prix vrai et sûr
Que là devant les Sarrasins
Pour elle être captif (je) réclame

Triste et joyeux m'en partirai* (* éloignerai)
Quand verrai cet amour de loin
Mais ne sais quand la reverrai
Car nos terrains sont vraiment loins
Il y a tant cols et chemins
Et pour ceci ne suis devin
Mais que tout soit comme à Dieu plaît

Paraîtra joie quand lui querrai* (* demanderai)
Pour l'amour-Dieu l'amour de loin
Et s'il lui plaît j'habiterai
Près d'ell(e) mêm(e) si je suis de loin
Donc arrivera l'entretien* fi(dèle) (* étape de l'amour courtois)
Qu'amant lointain devenu proche
A ses beaux dits* jouira (de) plaisir (* paroles)

Je tiens bien le Seigneur pour vrai
Par qui verrai l'amour de loin
Mais pour un bien qui m'en échoit
J'ai deux maux car tant m'est de loin
Ah que (je) sois là-bas pélerin
Que mon bâton et mon tapis
Soient par ses beaux yeux regardés

(que) Dieu qui fit tout qui va et vient
Et forma cet amour de loin
Donn(e) le pouvoir au coeur que j'ai
Que bientôt (je) vois l'amour de loin
Vérita(ble)ment en lieu aisé* (* agréable)
Tel que la chambre et le jardin
Me semblent tout temps un palais

Il dit vrai qui me dit avide
Si désireux d'amour de loin
Car nulle autre joie ne me plaît
Que de jouir de l'amour de loin
Mais ce que (je) veux m'est interdit
Car ainsi (me) dota mon parrain
Que j'aime et ne suis pas aimé

Mais ce que (je) veux m'est interdit
Que tout maudit soit le parrain
Qui fit que ne suis pas aimé"



La dame pourrait être la Princesse de Tripoli peut-être aperçue lors de la croisade (la 2e en 1148). Mais il est aussi fort probable que les soupirs traduisent cette langueur, cette incurable mélancolie existentielle que tout homme abrite.
D’ailleurs dans 3 autres poèmes, J. Rudel soupire après une dame qu’il n’a jamais vue. Il réussira cependant à la découvrir et à s’unir à elle. Mais pour en mourir. Le raccourci est saisissant : quête de la vérité et désir d’union, connaissance acquise après de longues errances et, sitôt après : la mort. Littéralement, expérience érotique ; symboliquement expérience mystique. Il s’agit en effet de recréer l’unité perdue avec le divin et, ce faisant, de mourir au vieil homme que nous sommes devenu pour renaître à une forme d’existence que nous n’aurions jamais dû abandonner.

La Renaissance
L'âge d'or est présent également dans la poésie du XVIe siècle. Les poètes de la Pléiade reprennent le mythe pour rêver d'un monde de paix et de justice sur fond de guerres de religions : ainsi Ronsard, dans le long poème XX des Meslanges (édition de 1555) dénonce les violences de la guerre civile.
Dans les Antiquités de Rome (1558), Du Bellay se réfère aux cabanes d'Évandre dans le sonnet XVII  montre comment la grandeur de Rome a été réduite à rien par le Pape, pasteur de ruines autant que d'âmes.
Dans les derniers poèmes des Regrets, publiés la même année, il fait de deux femmes exceptionnelles, Marguerite de Navarre, morte en 1549 (sonnet CLXXIX et sonnet CLXXXV), et la jeune Marie Stuart (sonnet CLXX), des figures emblématiques d'Astrée redescendue sur terre : le souvenir de Marguerite reste comme l'espérance au fond de la jarre, et la reine d'Ecosse est promesse d'un peu de "redorure".

Joachim du Bellay
Les Regrets (1558)
Ce sonnet à Forget, secrétaire de Marguerite de Navarre,  reprend le motif du sonnet CLXXIX : la mort de Marguerite, dont Du Bellay a composé le Tombeau en 1551, deux ans après sa mort. Ici, il pétrarquise en voyant dans cette figure féminine entrevue l’idée sensible de la perfection divine. La femme admirée est le support ou le déclencheur  de l’anamnèse (réminiscence).

CLXXXV
"Quand ceste belle fleur premièrement je vey, 
Qui nostre age de fer de ses vertus redore,
Bien que sa grand’ valeur je ne cognusse encore, 
Si fus-je en la voyant de merveille ravy.

Depuis, ayant le cours de fortune suivy,
Où le Tybre tortu de jaune se colore,
Et voyant ces grands Dieux, que l'ignorance adore, 
Ignorants, vicieux et meschans à l'envy :

Alors, Forget, alors cette erreur ancienne,
Qui n’avoit bien cognu ta Princesse et la mienne, 
La venant à revoir, se dessilla les yeux :

Alors je m’aperçus qu’ignorant son mérite 
J’avois, sans la cognoistre, admiré Marguerite, 
Comme, sans les cognoistre, on admire les cieux."
Aucun des deux poètes vivant cette nostalgie d’un âge d’or (plus intérieur qu’historique – état de conscience) n’est dans l'illusion. Les cieux sont hors de notre portée. Il est en outre intéressant de constater ici que la femme incarne souvent cet idéal, cet absolu inaccessible dont on a la nostalgie (Laure de Pétrarque, Adrienne de Nerval…) et éveille en nous un désir sans doute charnel mais d’abord un désir d’accéder à une forme de perfection absolue dont le corps de la femme nous offre, visiblement, le reflet.
Il est clair que le culte rendu à Marie joue un rôle dans cette projection. L’âme est de sexe féminin. (notons que pour les femmes c’est Jésus…)
L'âge classique et le XVIIIe
Ce sont les siècles de la raison… et il n’est plus guère question de se tourner vers un âge d’or révolu : l’avenir s’annonce riche de promesses et on se tourne tout entier vers lui.
Aussi l'âge d'or est une des cibles de la réécriture burlesque d'Ovide par Charles d'Assoucy.
Le texte classique de Voltaire (Le Mondain), fait également un sort au mythe au nom du progrès.


Les XIXe et XXe s

Le XiXe s. produit des utopies au nom du retour à une société plus pure ou égalitaire : l'expression "Age d'Or" se retrouve dans les discours nostalgiques dans lesquels on regrette une époque antérieure mais on parle aussi du futur imminent et du présent dans lequel on va construire ce futur. La révolution industrielle, par exemple, sera considérée comme un "âge d'or" par les chercheurs et les scientifiques. Le positivisme l'emporte ainsi que la notion de progrès scientifique qui, croit-on, permet d'accéder au bonheur.

Deux essais sont particulièrement intéressants dans l'analyse des relations des projets politiques et du mythe qui nous occupe . Le thème est repris de manière très ironique par Rimbaud dans L’âge d’or poème sur la régression induite par la famille dont on sait qu'elle se fondait sur la toute-puissance de la mère.
Il n'est pas incongru de rapprocher la provocation rimbaldienne de celle de Buñuel : dans L’Age d’or qu'il réalise avec Dali, la provocation porte sur l'idée même de mémoire. Sur la plage où se commémore officiellement le passé sacré des évêques de Majorque, le désir exprime son immédiateté dans le sable humide, tandis que le film s'achève sur des lendemains qui hurlent dans un château sadien dont le maître est Jésus.
 

Le XXe s. :

On ne croit évidemment plus à l’existence de ce siècle mythique. Je mentionnerai Alain (Emile Chartier, dit) qui n’est pas poète mais pour qui l’âge d’or c’est l’enfance.
Les dieux, 1934 - Livre I, chap II, Cocagne

"L'idée est celle-ci ; on vivait sans travail, et la nature donnait tout.  Souvent nous cherchons bien loin ce qui est devant nos yeux ; ainsi la vie de Cocagne est sous nos yeux ; c'est la vie même de l'enfant. Ce n'est pas une vie imaginaire. Bien réellement l'enfant trouve sa nourriture préparée. Non pas qu'il l'ait quand il veut et comme il veut ; mais certainement il n'a pas l'idée que c'est la nature des choses qui met un obstacle entre le désir et l'accomplissement ; car cet obstacle, s'il le soupçonne, est bien peu de chose à côté des volontés de la mère, du père et du cuisinier.
[…] certainement c'est la nécessité de manger, de s'abriter, de dormir, qui fait connaître l'autre nécessité, celle du monde qui ne promet rien. Aussi peut-on dire que l'enfance ne connaît d'obstacle que le sentiment, qui encore est presque tout de respect et d'amour. Telle est pourtant bien l'expérience qui nous instruit la première. Et nous savons tous que cette expérience, qui cesse à chaque instant d'être vraie, n'en a pas moins été vraie, et de plus en plus à mesure qu'on remonte jusqu'aux fleuves de lait ; car il y eut un temps où cette métaphore n'était pas métaphore […]
Mais on ne remonte point. Simplement on rêve que les choses sont encore ainsi quelque part. Toujours est-il que ce paradis est perdu, et que l'on feint de le regretter. […]
      Ce qui me paraît ici à remarquer, comme dans l'âge d'or, comme dans le paradis terrestre, c'est d'abord un état d'innocence et d'ignorance, dont nous sommes sortis par notre faute ; ce qui est aussi très vrai ; car l'enfant choisit d'être homme, et ne cesse pas de faire ce choix. On peut même dire qu'il anticipe sur sa destinée, méprisant toujours le facile et cherchant le difficile […]
On voit se dessiner ici un grand mythe qui n'a point de faute ; un grand mythe qui, chose remarquable, exprime seulement qu'il n'est plus vrai. On s'étonnera moins, après ces remarques, des croyances qui n'ont point d'objet, ou qui ont pour objet l'absence même d'objet ; et aussi de ces étranges preuves, qui furent, et qui ne sont plus. Telle est bien la réminiscence d'un être qui vieillit.
     L'homme fut condamné à travailler. Très vrai. […] Il faut d'abord, selon l'esprit de ce chapitre, s'arrêter à l'idée d'un bien obtenu sans travail.
L'être de l'enfant n'est jamais sans travail ; seulement c'est la nécessité du travail qui ne lui apparaît pas. Il grandit, il se fait des muscles, et c'est là son travail ; il apprend, et c'est ce qu'il nomme travail ; mais l'enfant ne gagne point sa vie ; ou alors il est sorti d'enfance. L'école, ce vase clos, représente bien le lieu où les travaux n'ont point de salaire ; et de là se développe une idée noble, noble comme toutes les idées d'enfance, mais dont l'expérience ne laissera pas subsister grand'chose, c'est que le travail serf n'honore point, et que mériter est plus beau que conquérir.
Savoir est d'abord plus estimé que pouvoir ; et l'idée de travailler seulement pour apprendre est l'utopie essentielle […] "
     
Pour en finir avec ce mythe récurrent précisons au passage que les artistes ne sont pas les seuls à se l’approprier.
- la morale le récupère souvent pour dénoncer la décadence des mœurs et la perte des vraies valeurs
- La religion fait de même : le christianisme projette l'avènement de la cité de Dieu au terme de souffrances et d'acceptations de régimes imparfaits.
- les idéologies politiques s’y réfèrent pour nourrir une propagande ; le communisme a pu être envisagé, au terme de révolutions et d'étapes douloureuses de socialisme, comme une sortie ultime de l'Histoire, plus utopique que réalisable.


En Inde
Le système des quatre yuga partage avec la Grèce la même dénomination : âges d'or, d'argent, de bronze et de fer que l'on retrouvait dans la Perse antique (peut-être origine commune).
Le concept de  yuga est décrit dans le texte hindouiste Vishnu Purana qui fait partie des dix-huit Purana composés entre 400 et 1000 de notre ère. Ce texte présenté sous forme de dialogues entre Prashara et son disciple Maitreya est divisé en six parties. Les quatre âges apparaissent en première partie, troisième chapitre.
Un yuga est une période. Un cycle est composé de quatre yuga : satya yuga ou krita yuga, treta yuga, dvapara yuga et kali yuga. Selon la cosmogonie hindoue, le monde dure 4 320 000 années solaires (mahâyuga) avant de se dissoudre et d'être recréé à nouveau. Le premier yuga, satya, est un âge d'or et le déclin se poursuit jusqu'à l'âge sombre de Kali, dans lequel nous serions actuellement, âge qui précède la dissolution (pralaya). Notons que la notion de faute individuelle est absente.



Mais il est temps de revenir à la poésie contemporaine et de voir dans quelle mesure elle a conservé cette nostalgie sinon d’un paradis perdu, en tout cas d’un état nettement supérieur à celui que nous vivons actuellement. Cet état reconquis nous permettrait d’accéder à ce que nous sommes vraiment mais, dont, pour des raisons inconnues, nous sommes malheureusement privés.
              
                                                                                                                                   gd













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