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vendredi 18 janvier 2013

LES YOGA DANS LA BHAGAVAD-GÎTÂ (5) Une synthèse des yoga ?


LA BHAGAVAD GÎTÂ : UNE SYNTHESE DES YOGA ?

L'auteur de ce blog répond ici à des questions posées par de futurs professeurs de yoga.
Pour aller plus loin et découvrir comment cet enseignement peut transformer radicalement le sens que nous donnons à la vie (si tant est que nous lui en donnons un), consulter les chapitres du sommaire intitulés : "YOGA : REPONSES A DES QUESTIONS FONDAMENTALES"

Avant toute chose comment situer la BG par rapport à la Bible, au Coran, bref, aux livres sacrés des différentes religions ?

Tous les livres sacrés se déterminent par rapport à la Vérité. La Vérité, pour être telle, doit être considérée comme une, universelle, éternelle. Cependant, elle ne peut s’exprimer que dans un espace et un temps relatifs, par l'expression de l’intelligence humaine, elle aussi relative. C’est pourquoi toute écriture sacrée comporte deux aspects : l’un absolu, non conditionné par l’espace-temps et l’autre, temporaire et périssable. Les grands Livres des diverses traditions peuvent se lire dans leur dimension relative avec toutes leurs différences souvent importantes, voire leurs oppositions. Mais ils peuvent aussi se percevoir dans ce qu’ils ont de commun, d’impérissable et d’éternel. Seuls des êtres éclairés, intellectuellement mais surtout spirituellement, sont capables d’accomplir cette lecture qui exige une capacité : celle de voir au-delà du sens premier offert par les textes.

La BG s’inscrit dans un temps, un espace, une culture qui ne sont pas ceux dans lesquels nous avons été éduqués. Pourtant, peut-elle nous concerner ?

Oui, parce que, au-delà de ce qui s'inscrit dans un contexte forcément limitatif, sont contenues des vérités simples, vivantes, actuelles. Même si nous ne possédons pas la qualité de lumière intérieure qui éclaire toute œuvre de ce type, nous sommes capables de recevoir ce que notre niveau d'évolution personnelle permet de  mettre au jour. A moins d’être fermés à toute volonté de compréhension, ou aveuglés par le fanatisme, nous sommes capables de saisir quelques-unes de ces vérités fondamentales. Une recherche d’approfondissement de ces quelques vérités ne peut qu’accroître l'éclairage ainsi produit. Peu à peu la clarté augmente et avec elle le champ de notre perception vraiment intelligente.

Pouvez-vous dégager un point important commun aux différentes formes de yoga contenues dans la BG?

Il y en a beaucoup, en fait ! Le premier qui me vient à l’esprit est que tous les yoga, quels qu’ils soient, supposent un cheminement intérieur exigeant l’absence d’ambition personnelle. C’est une exigence qui n’est pas acquise au départ, pas même peut-être après plusieurs années de pratique, mais qui doit être posée un jour ou l’autre. Cette démarche, comme toutes les démarches intellectuelles, politiques, artistiques, etc. a pour but un développement; mais contrairement à celles-ci, ce développement devrait laisser de côté l’ego qui, toujours, accompagne le progrès. En effet, les yoga visent tous à abandonner le moi individuel (capricieux, tyrannique, insatiable) pour laisser se développer le Soi, transcendant, qui se manifeste en nous. Avez-vous remarqué que la plupart du temps plus un politicien, un homme d’affaire, un artiste (pour ne choisir que des exemples) rencontre de succès, plus il se prend au sérieux ? plus il assène des vérités ? plus il tranche ? plus il exige qu’on lui marque de la déférence ? Alors que le progrès spirituel conduit les sages aux antipodes de ce type d’attitude : ils deviennent de plus en plus humbles, discrets, silencieux, muets même… Cela parce que leur ego a été conquis par la Réalité transcendantale dont nous sommes tous, rappelons-le, les véhicules.
Tous les yoga ont donc pour but commun l’invasion du « corps qu’on a » par « le corps qu’on est » (l’expression est de Durkheim). Tous les yoga, comme toutes les mystiques d’ailleurs,  ont pour but de laisser s’épanouir l’immanence, la lumière qui nous habite, que nous abritons. Cela suppose que, si l’on pratique le yoga, il convient, le plus vite possible, de se pénétrer de cette idée : « je » ne deviens pas « mieux » qu’avant. Cela, c’est une analyse du mental. On a envie de formuler un souhait en forme de  contre-proposition  : que « je » devienne « moins » qu’avant ! En d’autres termes que mon ego exerce une dictature de moins en moins tyrannique dans tous les domaines de ma vie. Cela est à notre portée.

Ce rôle du corps que nous avons évoqué est-il une caractéristique commune à tous les yogas ? Et quels aspects en justifient l'importance ?

On pourrait démontrer qu'il les concerne tous, y compris ceux qui en semblent assez distancés comme le bhakti et le karma yoga. Je ne peux épouser pleinement le divin si la moindre de mes cellules ne participe pas à cette union. De même, je ne peux lui consacrer mon action sans lui consacrer aussi l'instrument de cette action donc mon corps.
Mais rappelons cette exigence : il s'agit de travailler aussi avec "le corps qu'on est" et non seulement avec "le corps qu'on a". Référons-nous de nouveau à Durkheim. Il nous raconte le cas typique de quelqu'un qui a mal aux épaules. Massages, piqûres finissent par le guérir. Du moins le croit-il jusqu'à ce qu'il rencontre dans la rue un chat noir (il est superstitieux). Nous, nous dirons qu'il rencontre une personne qu'il déteste particulièrement : aussitôt les épaules remontent, les muscles se contractent, se durcissent, les douleurs resurgissent. Que s'est-il passé ? Le médecin n'avait soigné que le corps physique. Le yoga met en action "le corps qu'on a" et, à travers lui, "le corps qu'on est". C'est ce qui le différencie de la gymnastique ou autre stretching.
Ajoutons à cela que ce travail sur "le corps qu'on est" peut se poursuivre après le cours de yoga. Il le devrait, même. Le yoga, ce n'est pas l'exercice quotidien : c'est le quotidien pris comme exercice. Je peux en effet vivre tout geste du quotidien comme une posture de yoga – c'est-à-dire comme une attitude "reliée". Dès lors que je vise à ajuster toutes mes attitudes (à les rendre juste), le quotidien devient un cours de yoga.
Toute attitude physique juste tend en effet à créer plus de justesse dans le comportement et dans l'état d'esprit qui le sous-tend. Une technique physique de yoga n'a aucun sens si elle ne vise pas à ouvrir des portes qui me permettent de mieux circuler en moi. Si la maîtrise d'une âsana m'aide à faire de mes attitudes de la journée autant d'âsana extérieures et intérieures, alors la technique sert à quelque chose. Si je tape sur le clavier de mon ordinateur en gardant le dos droit et les épaules détendues, c'est bien pour le corps que j'ai. Mais si j'ajoute la détente intérieure, le don de mon travail au divin, alors je commence à travailler avec le corps que je suis. Je travaille à relier deux corps, deux moi : l'ego limité et le Soi illimité. On voit par là que chaque acte, grâce au corps, peut  être échelon vers la liberté. Qui oserait dès lors prétendre que le corps est une prison ?

Pourriez-vous montrer comment les différents yoga s'articulent entre eux par rapport à leurs caractères propres ?

On pourrait dire par exemple que le "chercheur de vérité", s'il est de tendance plutôt intellectuelle, grâce à ses connaissances (jnâna-yoga), comprend que le moi est un mirage : il renonce donc à nourrir ses désirs, renonce à l'action intéressée (karma-yoga), pratique l'abnégation et voit le Divin en tout être (bhakti-yoga).
Imaginons maintenant un tempérament plutôt physique qui a commencé par des exercices corporels (hatha-yoga); il se peut qu'amené à tenir des postures, il en vienne logiquement à la méditation (râja-yoga). Il étendra cette méditation aux activités quotidiennes (karma-yoga), voudra peut-être en savoir plus, se plongera dans les textes (jnâna-yoga), et ainsi de suite…
Quel que soit le yoga que l'on  commence à pratiquer, on est amené à rencontrer les autres. On s'aperçoit alors qu'ils ne sont pas cloisonnés, qu'ils sont les interfaces d'un seul et unique yoga. Ils sont interdépendants, complémentaires, poreux, comme on voudra. Mais il est vrai que chacun, suivant son tempérament, en privilégie d'abord une forme qui lui convient bien. On peut schématiser ces tendances selon un tableau  simple – voire simpliste mais parlant :

Karma-yoga
L'action
Actifs – sociaux
Bhakti-yoga
L'affectivité
Emotifs – mystiques
Hatha-yoga
Le corps
Physiques
Jnâna-yoga
La raison
Intellectuels
Râja-yoga
Le mental
Psychologues

Notons que les termes français sont forcément approximatifs et ne recouvrent exactement la réalité que le sanskrit, lui, traduit de manière plus  juste.
Shrî Aurobindo montre de quelle manière s'articulent les différents yoga dans la BG "… la renonciation ascétique à la vie et aux œuvres est un moyen nécessaire de libération. Mais pour le yoga de la Gîtâ, comme pour le yoga védantique des œuvres, l'action n'est pas seulement une préparation, elle est elle-même le moyen de libération; [] La renonciation est indispensable, mais la vrai renonciation est le rejet intérieur du désir et de l'égoïsme; sans elle, l'abandon matériel, extérieur, des œuvres est sans réalité et sans efficacité [] La connaissance est essentielle; il n'est point de plus haute force de libération, mais les œuvres jointes à la connaissances sont également nécessaires; [] la dévotion a toute importance, mais sont importantes aussi les œuvres jointes à la dévotion; par l'union de la connaissance, de la dévotion et des œuvres, l'âme est élevée à la condition la plus haute de l'Ishvara pour y demeurer dans le Purushottama, qui est maître à la fois de l'éternel calme spirituel et de l'éternelle activité cosmique. Telle est la synthèse de la Gîta" (La BG, Srî Aurobindo, p.75, Ed. A. Michel).
Cette synthèse brillante se retrouve dans la BG elle-même au ch XII, 12 : "Meilleure en vérité est la connaissance que l'effort (abhyâsa); meilleure que la connaissance est la méditation; meilleure que la méditation est la renonciation au fruit de l'action; de la renonciation vient la paix." Je ne pense pas qu'il faille lire cette dernière citation comme un palmarès mais comme une incitation à vivre dans une totalité action-connaissance-méditation-amour.
On trouverait beaucoup de textes qui affirment cette complémentarité :
Vivekânanda : " Entre la Connaissance (jnâna) et l'Amour (bhakti), il n'y a réellement pas tant de différence qu'on se l'imagine parfois. [] ils finissent par converger et se rencontrer au même point. Il en est de même du Râja-Yoga (Les Yogas pratiques, Swâmi Vivekânanda, p. 138, A. Michel)


Il n'est pas que les Occidentaux pour opposer Connaissance et Action (les deux grands chapitres de nos livres de philosophie !) Le dilemme préoccupe également l'Inde : que choisir ? karman (l'action) ou çama (la contemplation) ?

Krishna surmonte la contradiction "en montrant que les deux méthodes [] sont également valides, tout individu pouvant porter son choix sur la méthode que son actuelle situation karmique lui permet de pratiquer : soit donc sur l'action, soit sur la connaissance et la contemplation mystique." (Mircéa Eliade, Patanjali, p. 131, Ed. du Seuil).  
                                                                                                                                                                                                
Sans revenir sur ce qui a déjà été abordé, pouvez-vous citer les qualités que doit développer l'adepte, quelle que soit la forme de yoga privilégiée ?

Sans conteste : d'abord abhyâsa et vairâgya, c'est-à-dire l'effort patient et le détachement. On peut vivre ces deux qualités à tous les niveaux : depuis le plus quotidien (se lever chaque matin pour pratiquer sans pour autant attendre des progrès, c'est déjà bien!) jusqu'au plus profond. Les textes sont formels : sans elles aucun  yoga n'est possible.
Ceux qui pratiquent  savent à quel point ces qualités sont exigeantes. Quelle que soit  la forme de yoga pratiquée. Pour le hatha-yoga, pour le râja-yoga, c'est évident, mais aussi pour le jnâna-yoga, le karma-yoga, le bhakti-yoga (à vous de deviner en quoi pour chacune de ces formes consistera abhyâsa.)
On pourrait bien sûr allonger la liste des "qualités" mais je n'en ai pas trouvé qui d'une manière ou d'une autre ne dépende plus ou moins directement de ces deux "qualités mères".
Quel que soit le yoga pratiqué, le plus difficile n'est pas tant de trouver celui qui nous convient que de ne pas s'enfermer dans celui qui nous convient. Le yoga est un levier qui doit nous hisser vers autre chose que lui-même. De ce point de vue la finalité du yoga est la cessation du yoga - la libération rendant toute pratique superflue (on abandonne la barque lorsqu'est achevée la traversée).
La lucidité est une qualité fondamentale, qu'on la nomme vigilance ou attention. Le yoga opère une véritable révolution (changement) de la conscience, donc une transformation sur tous les plans, une rupture progressive des automatismes, des conditionnements physiques, psychologiques, moraux, etc.
Mais il peut aussi lui-même devenir nouvelle habitude, nouveau conditionnement… Tant que nous n'avons pas tué le "vieil homme" nous sommes encore dominés par l'ego. Ce dernier a la peau dure et, de plus, il est rusé et capable de se glisser dans les habits du pratiquant de yoga et même du sannyâsin pour que nous le laissions imposer sa dictature. Le danger du yoga n'est pas dans le yoga, mais chez celui qui le pratique s'il manque de clairvoyance. Ce danger guette surtout ceux qui sont d'un tempérament naturellement mystique. Leur désir (au demeurant fort louable) d'être "meilleurs", d'accéder à une forme d'existence "supérieure", finit par faire feu de tout bois. Or, le yoga est un bon combustible : de par les états de conscience qu'il induit (sans même aller chercher des états extraordinaires) il nourrit les illusions de ceux qui ne demandent pas mieux de croire que "c'est arrivé". Si l'assoiffé d'absolu n'est pas impitoyable de vigilance, il risque de se fourvoyer complètement. Observons les grands maîtres (de toutes croyances, de tous les pays et de tous les temps) : ils cultivent tous l'humour, un humour qui paraît parfois féroce parce qu'il écrase sans pitié les illusions comme on écrase une punaise (pardon pour la punaise). Quand vous parlez des "qualités" que doit posséder le pratiquant de yoga j'y ajouterai donc cet humour ô combien profond et vivifiant, et aimant, qui n'est pas le rire désabusé, ricanant et hideux qu'on trouve bon de cultiver actuellement. Mais un humour que l'on puisse exercer en priorité à son encontre. En effet, si je suis capable de rire de ce qui en moi se prend au sérieux, c'est que j'y vois un peu clair. Ce rire est signe de cette vigilance qui refuse les simagrées de l'ego.
Pourquoi avoir recours à la BG et au yoga plutôt qu'à une autre "méthode"?
Expliquer pourquoi je pratique telle religion plutôt qu’une autre embarrasse souvent parce que la réponse n’atteste pas souvent la présence d’une démarche personnelle : je suis catholique parce que mes parents l’étaient – ou parce qu’ils ne voulaient pas que je le sois – ce qui revient au même.
En revanche, si ma démarche procède d'un choix réel issu d'une réflexion et d'une expérience plus ou moins longue, je peux alors produire une explication
Dire pourquoi un occidental choisit le yoga (alors que rien de culturel semble l'y prédisposer) serait un peu hors de propos. Nous retiendrons tout de même un point : le yoga n'exige de nous aucune « croyance » à priori. Il peut mener au divin sans rien exclure de notre exigence de rationnel, et surtout sans nous demander d'ignorer le corps. Non seulement sans l'ignorer mais, on l'a vu, en  lui accordant un rôle fondamental dans notre quête de sens. Il y a là de quoi séduire ceux qui refusent d'être "coupés en deux" : âme d'un côté, corps de l'autre, bien et salut d'un côté, péché et damnation de l'autre.
Ce schématisme primaire apparaît heureusement comme erroné en dépit  des Eglises officielles qui firent tout pour l'imprimer en nous sitôt qu'elles se firent complices – ou otages plus ou moins timorés ou consentants du pouvoir temporel.
Ce qui est sûr c'est que le choix conscient et volontaire d'une voie de salut (que ce soit une quelconque religion ou un quelconque yoga) procède peu ou prou du même constat universel : je suis déchiré. Une part de moi ne coïncide pas avec l’autre part. L’une recherche l’avoir (argent, pouvoir, succès et leurs dérivés); l’autre l’être (bonheur, plénitude, etc.) L’une me pousse à l’action – violente s’il le faut; l’autre à la contemplation, au lâcher-prise. L’une fait naître en moi la volonté grandissante du « toujours plus »; l’autre soulève une nostalgie : celle d’une part de moi, connue mais oubliée, à la fois présente et absente, dont je sais obscurément et douloureusement qu’elle me comblerait si je la retrouvais.
Cet état duel (schizophrénie native ?) peut sans doute échapper à certains mais à aucun de ceux qui sont préoccupés de spiritualité.
Il arrive également que ce qui relève de l'intuition latente et brumeuse ( = autre chose existe parce que je sens que "je est un autre") se transforme en certitude intime à l'issue d'une expérience – d'un état privilégié expérimenté (ce que Durkheim appelle le "numineux"). Dans les deux cas je comprends que la vie ne se réduit pas à un certain nombre de fonctions physico-chimiques. Que la vie suppose "autre chose" dont la réalité m'a été imposée – révélée. 
Ce constat réalisé, je vais dans la direction paraissant le mieux répondre, le mieux correspondre à ce que je suis.

En conclusion de ce parcours – la Bhagavad-Gîtâ et les différents  yoga – que pourrions-nous retenir ?

"La Gîtâ, comme le dit Shrî Aurobindo… n'est pas une arme de guerre dialectique; c'est une porte ouverte sur l'univers entier de la vérité et de l'expérience spirituelles; la perspective qu'elle nous ouvre embrasse toutes les provinces de cette région suprême." (La Bhagavad-Gîtâ, Spiritualités vivantes, A. Michel). Ce n'est pas pour autant qu'il faut nous y enfermer, pas plus qu'on s'enfermerait dans la Bible. Aurobindo ajoute : "Nous n'appartenons pas aux aurores du passé, mais aux midis de l'avenir. Une masse d'éléments nouveaux se déverse en nous; il nous faut, non seulement assimiler les influences des grandes religions théistes de l'Inde et du monde (…) mais aussi tenir pleinement compte des révélations puissantes, quoique limitées, de la science et de la recherche modernes (…) Une harmonisation nouvelle et compréhensive de nos acquisitions est, intellectuellement et spirituellement, une nécessité de l'avenir. Et tout comme les synthèses passées ont pris pour point de départ celles qui les ont précédées, la synthèse de l'avenir doit aussi, pour avoir une base solide, procéder de ce qu'ont donné les grandes sommes de pensée et d'expérience spirituelles réalisées dans le passé. Parmi elles, la Gîtâ occupe une place primordiale."
La Gîtâ est là pour nous guider, nous aider à y voir plus clair en nous, pour nous aider à trouver du sens et peut-être un Sens à notre vie. Elle a ce mérite que pour nous, adeptes du yoga, elle ouvre une voie d'action et de réflexion. Mais nous n'avons pas à en faire un ouvrage de "croyances". Surtout pas; ce serait nous raidir. Or le yoga, c'est la souplesse. Non seulement du corps mais d'abord de l'esprit. Rester souple d'esprit, c'est refuser, autant que faire se peut, les conditionnements. Si nous lisons la Gîtâ, ce n'est pas pour y puiser des paroles définitives auxquelles se raccrocher, ni pour s'y abreuver ou s'y nourrir de vérités prédigérées. Si nous lisons la Gîtâ, c'est, comme nous avons essayé de le faire au cours de ces différents articles, pour nous interroger : "qu'est-ce que je peux faire, concrètement, de telle ou telle parole de Krishna ?"
La Bhagavad-Gîtâ est un sentier parmi beaucoup d'autres, nous l'avons dit. Le sentier n'est pas le but, n'est pas la Vérité que je veux atteindre. Le sentier est un support. Il me permet de cheminer vers la Vérité. Il m'aide à pénétrer dans ma propre lumière, dans mon Lieu intérieur. Mais pas plus que la Bible ou autre Livre sacré, il n'est la Lumière ni le Lieu.

Krishnamurti disait, dans La Première et la Dernière Liberté : " Le point de départ d'une pensée vraie est dans la connaissance de soi. Si l'on ne se comprend pas soi-même, l'on n'a aucune base pour penser…" Voilà qui est important : se connaître d'abord. D'autres l'ont dit bien avant Krishnamurti. Il n'empêche que nous préférons chercher des vérités en-dehors de nous. Nous n'imaginons pas que la vérité soit à portée de notre propre expérience, de notre propre pouvoir. Nous faisons beaucoup plus confiance aux "penseurs professionnels". Nous en ferions bon usage s'ils nous renvoyaient sans cesse à nous-mêmes, nous disant : "Voilà ce que je pense, moi. Mais c'est moi qui le pense, pas vous. A votre tour de penser seul !" Mais souvent ils nous somment de penser comme eux, comme si le fait de dire ce qu'ils pensent revenait à dire la Vérité ! Les vrais sages (donc pas les philosophes en général !) nous mettent tous en garde : désencombrons-nous l'esprit de ce qu'il contient. "Là où finit le savoir naît l'intelligence" dit encore Krishnamurti. Est-ce dire qu'il faut se garder ignorant ? Dans un certain sens oui, si "savoir" c'est "croire", accepter aveuglément. Mais, dira-t-on, si je ne sais rien, comment puis-je savoir que savoir est néfaste ? En osant avancer dans l'obscurité des paradoxes inhérents à notre condition actuelle mais non irrémédiable. C'est seulement en vivant par l'expérience l'inutilité - voire le danger - du savoir que je peux espérer un jour devenir ignorant - au sens où l'entendent tous les grands maîtres. Faisons-leur confiance ou non mais expérimentons ! Il est probable qu'alors la compréhension se lève en nous comme une nouvelle aurore et dissipe toute question.




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