Que d'erreurs et d'égarements en ce domaine ! Remettons les choses en place aussi simplement que possible...
Les
Yoga sutra de Patanjali, traité normatif, envisage le yoga pour ce qu'il est : un moyen d'accéder
à la libération.
Le
premier des 4 chapitres qui le constituent traite de la Contemplation (Samâdhi). Or, l'état de contemplation est le signe que l'étape ultime du
yoga, celle de la libération proprement dite, est atteinte. Cet état recouvre
une réalité qui n'est pas celle de la méditation et encore moins celle de la concentration : ces trois termes désignent des stades différents et progressifs
que l'adepte franchit successivement. Ce sont ces trois réalités que nous
allons tenter d'expliciter dans les lignes qui suivent. Précisons d'abord que
s'il commence par le but (le samâdhi),
l'ouvrage présente, au chapitre 2, le cheminement que l'aspirant doit suivre pour
atteindre la libération. Ces 8 étapes nous permettront de situer les 3 notions qui nous intéressent
ici.
1ère
étape
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yama
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travail
sur le plan "moral"
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2ème
étape
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niyama
|
|
3ème
étape
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âsana
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travail
sur les plans psycho-physique
|
4ème
étape
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prânâyama
|
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5ème
étape
|
pratyâhâra
|
concentration
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6ème
étape
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dhâranâ
|
|
7ème
étape
|
dhyâna
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méditation
|
8ème
étape
|
samâdhi
|
contemplation
|
Cette
présentation schématique est quelque peu réductrice : elle cloisonne les
différentes étapes qui, dans la mise en pratique, ne sont pas aussi
"étanches" qu'on pourrait le penser. Ainsi, les étapes 1 à 6 doivent
se pratiquer simultanément : se situer à l'étape 5 suppose que les étapes 1 à 4
sont continuellement mises en oeuvre. Les étapes 1 à 6 sont des préalables indispensables
aux étapes 7 et 8. Il s'agit d'abord de nettoyer le terrain, de purifier le
corps et l'esprit afin que puisse s'effectuer, sur un plan plus subtil
(spirituel) la transformation finale.
Mise au point préalable
Ce
tableau établit une hiérarchie entre concentration, méditation et contemplation.
Ces trois activités présentent néanmoins un point commun : elles constituent un
processus d'intériorisation. Avant de saisir les spécificités de chacune, une
mise au point peut paraître utile. Si la notion générique de
"méditation" puise ses origines en Orient (Inde et Chine), elle
apparaît très tôt en Occident, plusieurs siècles avant la naissance du Christ.
Elle se présente alors comme moyen d'accéder à la connaissance unitive du
Divin. Aux XVIè et XVIIè siècles, ce qu'on appelait alors les "exercices
spirituels" (préconisés par Ignace de Loyola – fondateur de l'ordre des
Jésuites) rappellent intimement certaines pratiques yogiques visant elles aussi
à la fusion de l'âme, à son immersion
dans le Tout par l'abolition du moi. La répétition du Nom (le japa hindouiste), la fixation de
l'esprit sur une image suggérant la présence divine, se retrouvent très tôt
dans l'histoire occidentale, chez les juifs, les chrétiens et les musulmans. La
Philocalie (ouvrage découvert
tardivement) contient l'essentiel des "méthodes" les plus efficaces
pouvant mener à l'absorption de la conscience individuelle dans la Conscience
universelle. Ce recueil[1]
englobe aussi bien les méthodes de prières des anachorètes égyptiens du IVème
siècle que celles des moines du Mont Athos aux toutes premières décennies du
XVè siècle.
Pourquoi
cette parenthèse ? Pour insister sur le fait que nos religions occidentales, à
l'origine, se sont ralliées à des "méthodes" dont l'universalité
semblait alors évidente. Evidente parce que les humains de toutes origines, en
quête de leur véritable nature, se trouvent face aux mêmes questionnement,
connaissent les mêmes difficultés, vivent les mêmes expériences. Certains
d'entre eux, quelle que soit leur culture initiale, ne se sont pas contentés
d'émettre des opinions, d'élaborer des théories sur l'origine de l'homme, le sens de son existence,
etc. : il ont fait œuvre d'expérimentateurs, sont passés à l'action. Ces
hommes, des mystiques, au-delà de l'espace et des époques qui séparent, sont
frères jumeaux. Aucune des différences propres aux religions instituées ne les ont
jamais opposés. Juifs, protestants, musulmans, catholiques ou autres, leur
pratique de méditation orientale n'a jamais constitué à leurs yeux un interdit.
Ils ne condamnent pas pour autant les rites et croyances de leur religion
d'origine qui permettent d'accéder à ce pallier, à ce moment auquel tout être
qui grandit spirituellement devrait être mené. Tous les grands Maîtres, les
Guides éclairés qui nous montrent la voie ont un jour lâché les béquilles pour
marcher seuls. Tous ne sont pas indiens ! mais tous ont adopté une manière
d'être dépassant la soumission aux rites et aux croyances lorsque cette
soumission devient une aliénation – tant il est vrai que l'infantilisme,
l'intolérance et les névroses sont sans doute plus à chercher du côté des
bigots que de celui des "fous de Dieu" ! Cela dit, revenons-en aux
trois notions que nous nous proposions de définir.
La concentration : elle
est le préalable nécessaire à toute démarche spirituelle, une sorte de
gymnastique visant à exercer le mental, à l'assouplir. En soi, elle n'a aucune
valeur spirituelle. Elle consiste à faire converger l'esprit vers un point
unique – objet, pensée, respiration…
Elle peut se pratiquer continuellement ou presque, dans l'attention portée aux
actes accomplis souvent machinalement. Il s'agit de supprimer de plus en plus fréquemment
la distraction mentale. Les maîtres indiens sont prolixes sur le sujet - mais
pas seulement eux : "Si le cœur
s'égare ou se distrait, ramenez-le bien doucement au point et replacez-le
tendrement dans la présence de son Maître" (Saint François de Sales).
La méditation : comme
le précisent de façon imagée les textes hindouistes, la pensée, dans la
méditation, doit être semblable à un filet d'huile coulant d'un vase à l'autre.
La méditation vise donc à mettre fin à ces "fluctuations du mental"
dont parle Patanjali dans le premier chapitre des Yoga sutra. C'est dire l'importance du pas franchi par rapport à la
concentration. La tradition yogique établit deux étapes dans la progression. Il
y a d'abord la "méditation avec support", l'esprit s'immobilisant, se
fixant sur une forme matérielle (Krishna, Vishnou… ou toute autre image
témoignant concrètement d'une réalité immatérielle). Vient ensuite la
méditation "sans support" permettant à l'esprit de s'ancrer dans le
Moi supérieur (l'atman – présence du
divin, du brahman en soi). A ce
niveau déjà très élevé, méditant et objet ne sont qu'un, "il n'y a plus
d'univers, il n'y a plus ni corps ni mental. Il n'existe que pure
conscience."[2]
La contemplation : il
s'agit là de l'étape ultime, celle de l'Illumination, de la Réalisation du Soi
(= le Divin). Cette abolition dans l'infini, cette fusion spirituelle est
au-delà de toute velléité de description. "Pour ceux qui ont atteint à ce plan de conscience, toute littérature
est devenue inutile, tandis que pour ceux qui sont encore à le chercher, la
description la plus fidèle restera loin de la réalité."
Pour ce
qui est des méthodes de concentration, si elles ne sont pas compliquées, il en
va autrement des méthodes de méditation – si tant est, qu'à ce niveau, l'on
puisse parler de "méthodes". De nombreux ouvrages leur sont consacrés.
Il convient évidemment de faire preuve de clairvoyance, de ne pas se fourvoyer
dans la jungle des concepts fumeux, des méthodes simplistes que nous vendent
les charlatans et autres amateurs d'exotisme spirituel. Les textes les plus fiables
sont ceux rédigés par des Maîtres en qui l'on peut placer toute sa confiance.
Citons-en quelques-uns : Chögyam
Trungpa, V.-R, Dhiravamsa, Srî Vivekânanda, Aurobindo, Sivânanda, Ramdas,
Rajneesh, Krishnamurti, Ramana Maharshi et, plus près de nous, Stephen
Jourdain, Jean Klein, Yvan Amar, Christmas Humphreys, K.F. Durkheim, A.
Desjardins, E. Tolle… Il en est beaucoup d'autres. Autant de grands esprits,
autant de pratiques différentes. Notons à ce propos que le néophyte doit
prendre garde au piège consistant à vouloir tout essayer. Il est fréquent de
rencontrer des adeptes sincères mais pressés, essayant une méthode puis qui,
n'en recueillant pas les fruits attendus, passent à la suivante sans plus de
succès, finissant par conclure qu'aucune n'est bonne…
Et nous, dans tout ça ?
Si cette
aventure nous tente, l'essentiel est de ne pas sauter les étapes. Sprinter au
départ d'une course de fond est le meilleur moyen de ne pas arriver au but.
Prendre le bon départ détermine la suite du parcours. Il faut savoir que ce
"départ" peut occuper une vie – et peut-être davantage. Ce départ,
c'est la concentration et même, avant
elle, l'attention. Si diverses
qu'elles apparaissent (dans le temps, l'espace, la tradition, la culture…), les
"méthodes" qui mènent à l'Eveil (qui, précisons-le au passage,
comporte plusieurs degrés) s'appuient en effet sur un socle commun : l'attention au moment présent. Que je
sois assis en lotus à observer ma respiration ou les pensées qui arrivent à
moi, que je sois en train de cuisiner, si je suis dans l'attention de ce que je
fais (souffle, pensée, geste de la main, parfum, son, etc.) je suis au cœur de
la démarche qui mène inévitablement à plus de conscience. Je suis sur la voie
royale de la transformation intérieure. Cela peut apparaître presque frustrant
: on aimerait quelque chose de plus spectaculaire… Là est l'erreur… Il est
absolument nécessaire de passer par cette phase consistant à s'ancrer dans la
conscience de l'instant présent. Que ce soit le zen, le soufisme ou le yoga, la
conscience vécue de l'instant présent est la clé donnant accès au processus de
Libération. Etre conscient du présent, être dans l'attention peut s'avérer très
difficile. Mais c'est la première gamme à maîtriser. C'est elle qui permettra
ensuite de "trouver l'interrupteur qui met le mental hors circuit"[3].
Commençons par être à l'écoute de cette voix qui, sans cesse, pense en nous.
Faisons-nous témoin de ce qu'elle raconte – souvent des rengaines plaintives… Essayons
d'échapper à la pensée envahissante des souvenirs, à celle de l'avenir,
ramenons à ce que pense cette pensée le plus souvent possible à l'instant
présent – car rien n'existe à part lui. Rester présent au présent c'est être en
contact direct avec l'essentiel, c'est déjà dissiper une bonne part d'illusion
et de souffrance… Vient alors un jour où nous ne nous identifions plus aux
pensées parasites, où nous ne les alimentons plus. Vient alors aussi le
surgissement inopiné des moments de non-pensée. Le processus est alors enclenché.
Pour la suite… à chacun d'expérimenter !
[1]
Voir
: Petite philocalie de la prière du cœur,
de J. Gouillard, et Récits d'un pèlerin
russe de J. Laloy, les deux ouvrages en Poche dans la collection Points –
Sagesses.
[2]
Sivânanda
Sarasvati in La pratique de la méditation,
éd. Albin Michel, p. 183
[3]
Eckart
Tolle, p. 14 de l'ouvrage que je vous recommande, tant est profond et limpide
son contenu : Le pouvoir du moment
présent, éd. Ariane
La photo est d'Oliver Föllmi
GD
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