L'Hindouisme 2 : La "Libération". Gourou et disciples
La plupart des hindouistes, très religieux,
pratiquent leur religion quotidiennement et observent scrupuleusement les
rites, tout en vivant comme tout le monde : ils ont un métier, une famille, et
des loisirs. Ils pensent qu'en menant
une vie "sainte", ils finiront, au terme de multiples existences, à
arriver à un état de "perfection", de sagesse, qui achèvera un jour
le cycle de leurs réincarnations.
Mais certains
d'entre eux décident d'accélérer le processus et cherchent, dans cette vie même,
à mettre fin aux réincarnations. Pour comprendre cela, il faut expliquer leur vision
de l'existence.
LA LIBERATION (ou EVEIL ou REALISATION)
Au-delà des différentes
doctrines, des multiples pratiques, un fil conducteur existe. Il est au centre
des enseignements les plus divers et constitue l'objectif ultime des
disciplines spirituelles les plus disparates : c'est la "Libération" par laquelle
l'individu est délivré de la nécessité de se réincarner. La Libération (moksha)
est un état de bonheur, de félicité inimaginable, au-delà de tous les mots qui
voudraient le décrire. Quand on demande à un "Libéré vivant" ou un
"Éveillé" indien (jîvanmukta) à quoi ressemble la félicité dans
laquelle il vit, il répond : neti-neti, c'est-à-dire "ni ceci ni
cela" car cet état de conscience est inexprimable : il faut l'expérimenter
(cf. le goût du citron : je ne le connais vraiment qu'en le goûtant !).
Ce qui est certain, c'est
que celui qui l'a atteint se meut dans un nouveau mode de conscience affranchi :
- de toutes les peurs
(nous vivons et agissons sans cesse en fonction de ces peurs)
- de tous les attachements
(nous sommes ligotés : désirs de puissance, d'objets, de liberté, etc.)
- de tous les contraires
(beau - laid ; bien - mal ; j'aime - je n'aime pas, etc.)
- de tous les états
d'âmes changeants (je suis triste, content, déprimé, etc.)
- de tout sentiment
de séparativité (il y a les autres et moi…)
- de l'ignorance
sur le sens de la vie (nous baignons dans le doute : qui sommes-nous ? sens de
la mort ? etc.)
Il serait faux de croire que
ces êtres sont devenus insensibles : ils ressentent mais leur ressenti ne les
affecte pas ; ils n'en sont pas dépendants. Leur ego est anéanti avec tous ses
conditionnements (volonté de posséder, peur de perdre). Leur vision de la vérité
est donc claire et leur intuition supérieurement développée. Tous ceux qui ont
vécu cet Éveil (Stephen Jourdain, par exemple, encore bien vivant !) peignent
cette transformation comme naturelle, évidente, un peu comme une guérison après
une très longue et douloureuse maladie peuplée de fièvre et de cauchemars. Mais
la nature de la joie procurée est au-delà de l'imaginable - on l'a dit.
Cet état est connu des
bouddhistes sous le nom d'Éveil. On
trouve aussi Illumination, Réalisation ou Délivrance. Il peut survenir de façon brutale ou progressive. Une
fois atteint il demeure stable.
Cet état existe en chacun de
nous à l'état latent. Il constitue le fond de notre nature mais se trouve
voilé, occulté par des processus biologiques et psychologiques qui nous
soumettent au relatif, aux apparences.
Les hindouistes savent qu'on
peut tous viser à cette transformation intérieure (plus ou moins longue et
difficile), quelles que soient notre intelligence, notre classe sociale, notre
culture. Elle a lieu à l'issue de méthodes variées dont on parlera (fiche 3).
Certains, pour atteindre cet
état, vivent dans des grottes ou dans des ashram mais cette transformation peut
s'opérer sans que l'adepte quitte le monde où il vit, avec ses obligations
professionnelles ou familiales.
Bien sûr, l'existence que
nous menons dans notre civilisation d'hyper consommation et d'accumulation
névrotique ne favorise guère un cheminement spirituel ! Cela concerne également
les chrétiens ou autres adeptes des diverses religions. Nous vivons dans un
monde où tout le monde "a des idées sur le Divin" mais où bien peu
cherchent à s'immerger en Lui…
Certains occidentaux ont
tenté ce "voyage". Ils ont rencontré des swâmi, des gurus, des
Maîtres qui leur ont enseigné l'itinéraire (sadhana) à suivre. Ce fut pour eux
l'engagement d'une vie. Citons-en quelques-uns très connus : John Blofeld, Alan Watts (U.S.A.), Douglas Harding
(G.B.), Jean Herbert, Arnaud Desjardins (encore vivant), Jean Klein (mort récemment), Yvan Amar (F), Karlfried Graf Durkheim (D.)… On trouve parmi eux des
prêtres ou moines chrétiens (les Pères Montchanin,
Le Saux, Griffiths…). Sans renier leurs racines, ils ont réalisé sur eux
cette transformation leur permettant à leur tour d'enseigner.
ATTENTION GURU !
Ce terme (qui signifie
"homme de poids") dégage actuellement un fort relent de secte et de
scandale ! Il est vrai que pullulent charlatans, escrocs ou…
"allumés" ! Le véritable sage cherche à passer inaperçu, il est
silencieux et plutôt discret… ce qui n'empêche pas que certains ont été très
connus ou médiatisés en Occident (Krishnamurti,
par exemple). Le vrai Maître, le Libéré vivant, ne recherche ni argent, ni
gloire, ni disciples. Très vite, cependant, de par sa manière d'être et d'agir,
de par son rayonnement d'amour, de par sa manière de répondre aux questions
qu'on lui pose ou aux conseils qu'on lui demande, il est vite repéré et
entouré… N'existant plus pour lui-même
mais par compassion avec autrui, il fait don de tout son temps au Divin et à
ceux qui ont besoin de lui.
Ces sages devant lesquels
des milliers d'Indiens s'inclinent n'ont aucun titre, aucune fonction
honorifique ; ils ne dirigent aucune Église officielle, aucune secte… Mais
(en-dehors de ceux qui restent près d'eux) ils attirent des foules
considérables venues simplement avoir le darshan,
c'est-à-dire tout à la fois la vision, la bénédiction du sage.
De ce point de vue nous
sommes loin des modèles occidentaux actuels ! Nous essayons en effet de nous
identifier à des images de pouvoir, de gloriole, d'avidité : stars du
spectacle, du sport, de la politique, de la finance. Ce sont tous des modèles
dont la valeur se quantifie en
courbes financières, de popularité, de conquêtes amoureuses… Quant à la qualité de l'être…
Aux yeux des hindous, les
sages valent mieux que ces baudruches… On voit constamment des dirigeants
politiques et les puissants de ce monde se prosterner aux pieds de ces êtres
considérés parfois comme de véritables incarnations divines (comme Swâmi Ramdas, Ramana Maharshi ou Mâ Ânanda
Mayî, disparue en 1982).
Les guru sont souvent
entourés de disciples qu'ils guident vers la Libération. Ils évitent toujours
de les installer dans une forme de dépendance psychologique et les renvoient
constamment à leur propre liberté. Ils n'utilisent que rarement les pouvoirs
qu'ils détiennent. Ils donnent ce qui convient à chacun, suivant ses propres
progrès spirituels et, s'il le faut, se montrent très exigeants. Il revient à
chacun d'effectuer sa propre transformation et le guru ne se substitue jamais à
son disciple qu'il oriente cependant sur la voie. Celui qui cherche des
recettes pour accéder sans trop d'investissement personnel à l'Éveil risque
d'être fort déçu… Le Maître propose des indications qu'il convient à chacun de
saisir mais il ne fait pas le "voyage" (que lui-même a déjà accompli)
à la place du voyageur. Comme le dit un proverbe zen, le sage pointe le doigt
vers la lune ; tant pis pour l'imbécile qui regarde le doigt…
ET LE DISCIPLE ?
Celui qui calculerait de
"gagner" quoi que ce soit (même le paradis!) court à l'échec. Même
chose pour celui qui chercherait une forme d'originalité ou l'acquisition de
pouvoirs occultes (bref, tout ce qui nourrirait l'ego - il convient justement
de s'en affranchir !). Le disciple est dans l'attitude de celui qui, se sachant
ignorant de l'essentiel, incapable de vivre ici et maintenant, dépendant de
"valeurs" qu'il ne reconnaît plus comme telles (pouvoir, richesse…),
vise à un mode d'existence plus juste.
Pour cela il sait qu'il ne "gagnera" rien mais perdra (souvent
douloureusement : l'ego s'accroche !) ses limitations, son ignorance
fondamentale, verra se dissiper ses projections mentales pour accéder à une
vision enfin claire de l'Essentiel, de sa véritable Nature.
De ce point de vue le
disciple - on l'appelle souvent le "chercheur" - est assez proche du
chercheur scientifique… mais ce qu'il recherche n'est pas extérieur. Il accorde
donc une foi illimitée dans celui qui a trouvé, le guru ! Il ne s'agit ni de
fanatisme ni de croyance aveugle mais de la confiance que tout apprenti porte à
celui qui maîtrise un art ou une technique qui a fait ses preuves.
Contrairement
aux Hindous qui, à chaque génération, peuvent approcher hommes ou femmes
libérés, nous n'avons que rarement à notre portée des François d'Assises (ou de
Sales), des Thérèse d'Avila ou des Maître Eckart qui puissent nous apporter le
témoignage direct de leur sainteté… Saurions-nous d'ailleurs les reconnaître ?
Serions-nous capable de reconnaître Jésus ou le Bouddha ? Notre inconscient est
chargé de clichés puérils, de vieillards à longue barbe blanche, d'êtres
immaculés baignant dans une lumière surnaturelle… Or le libéré vivant a le plus
souvent une apparence banale et passe-partout. Aucun signe extérieur distinctif
! Il a faim, soif, a des rages de dents, des maux de ventre… même si ces divers
processus ne sont plus du tout perçus par eux comme avant.
Bonjour,
RépondreSupprimerPaule Amblard, dans son livre Un Pèlerinage intérieur, dit : « Il y a dans la vie une source intuitive qui nous pousse au-delà de notre raison. On répond à ce que cette force nous dicte sans trop se demander pourquoi. Ce n'est pas une réaction à un événement, pas une pulsion, mais quelque chose de plus enfoui, une certitude des choses qui dure une seconde mais qui transforme votre vie lorsqu'on la suit. ».
Cette intuition intellectuelle et supra-rationnelle dont il semble qu'on ait perdu jusqu’à la simple notion, c’est véritablement la connaissance du cœur, suivant une expression qui se rencontre fréquemment dans les doctrines orientales.
Pour les modernes, le cœur se trouve réduit à ne plus désigner que le centre de l’affectivité, alors que pour les Anciens, il était regardé comme le siège de l’intelligence, non pas de cette faculté tout individuelle qu’est la raison, mais de l’Intelligence universelle dans ses rapports avec l’être humain qu’elle pénètre par l’intérieur, puisqu’elle réside ainsi en son centre même, et qu’elle illumine de son rayonnement.
Blaise Pascal, dans les Pensées, écrit : « C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce qu'est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison. »
La connaissance du cœur, c'est la perception directe de la Lumière intelligible, de cette Lumière du Verbe dont parle « saint Jean » au début de son Évangile, Lumière rayonnant du Soleil spirituel qui est le véritable Cœur du Monde.
Ceci donne l’explication d’un symbolisme suivant lequel le cœur est assimilé au soleil et le cerveau à la lune.
Quand le Soleil de la Connaissance spirituelle se lève dans le ciel du cœur, dit le Védânta, il chasse les ténèbres, il pénètre tout, enveloppe tout, et illumine tout. Celui qui a fait le pèlerinage de son propre « Soi », un pèlerinage dans lequel il n’y a rien concernant la situation, l'espace ou le temps, qui est partout, dans lequel ni le chaud ni le froid ne sont éprouvés, qui procure une félicité permanente et une délivrance définitive de tout trouble ; celui-là est sans action, il connaît toutes choses, et il obtient l’Éternelle Béatitude. C'est un état que dans l'hindouisme on appelle jivan-mukta.
Cordialement.
Blog : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/introduction.html
Bonjour,
RépondreSupprimerPaule Amblard, dans son livre Un Pèlerinage intérieur, dit : « Il y a dans la vie une source intuitive qui nous pousse au-delà de notre raison. On répond à ce que cette force nous dicte sans trop se demander pourquoi. Ce n'est pas une réaction à un événement, pas une pulsion, mais quelque chose de plus enfoui, une certitude des choses qui dure une seconde mais qui transforme votre vie lorsqu'on la suit. ».
Cette intuition intellectuelle et supra-rationnelle dont il semble qu'on ait perdu jusqu’à la simple notion, c’est véritablement la connaissance du cœur, suivant une expression qui se rencontre fréquemment dans les doctrines orientales.
Pour les modernes, le cœur se trouve réduit à ne plus désigner que le centre de l’affectivité, alors que pour les Anciens, il était regardé comme le siège de l’intelligence, non pas de cette faculté tout individuelle qu’est la raison, mais de l’Intelligence universelle dans ses rapports avec l’être humain qu’elle pénètre par l’intérieur, puisqu’elle réside ainsi en son centre même, et qu’elle illumine de son rayonnement.
Blaise Pascal, dans les Pensées, écrit : « C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce qu'est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison. »
La connaissance du cœur, c'est la perception directe de la Lumière intelligible, de cette Lumière du Verbe dont parle « saint Jean » au début de son Évangile, Lumière rayonnant du Soleil spirituel qui est le véritable Cœur du Monde.
Ceci donne l’explication d’un symbolisme suivant lequel le cœur est assimilé au soleil et le cerveau à la lune.
Quand le Soleil de la Connaissance spirituelle se lève dans le ciel du cœur, dit le Védânta, il chasse les ténèbres, il pénètre tout, enveloppe tout, et illumine tout. Celui qui a fait le pèlerinage de son propre « Soi », un pèlerinage dans lequel il n’y a rien concernant la situation, l'espace ou le temps, qui est partout, dans lequel ni le chaud ni le froid ne sont éprouvés, qui procure une félicité permanente et une délivrance définitive de tout trouble ; celui-là est sans action, il connaît toutes choses, et il obtient l’Éternelle Béatitude. C'est un état que dans l'hindouisme on appelle jivan-mukta.
Cordialement.
Blog : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/introduction.html