Rencontre sur le Mékong

samedi 19 janvier 2013

MIEUX COMPRENDRE LES UPANISHAD (2) - Isha Upanishad


L'Isha Upanishad (traduction de référence revue par J. Herbert et contenue dans Trois Upanishad de  Shrî Aurobindo, Albin Michel)


Attentions aux séduisants reflets lumineux qui ne sont pas la source de la lumière... Mais le Divin est partout.



Les idées contenues dans cette Upanishad :

Versets 1 à 3
L'Être est présent dans tout ce qui constitue l'univers.
Tout désir de jouissance est  signe que le Divin nous habite. Ce désir doit nous
mener à comprendre que le Divin est en tout et nous inciter à ne plus désirer
que Lui, donc à renoncer aux objets du désir et enfin au désir lui-même.
Il devient alors possible d'agir sans être prisonnier de l'action.
Sans cette attitude née de la Compréhension de l'Essentiel en nous, nous
restons plongés dans les ténèbres de l'ignorance.

Versets 4 et 5 :   
"Cela" (= le brahman, le Soi) constitue l'Essence de tout ce qui est, même dans
ce qui nous apparaît contradictoire ou inconciliable (le dedans et le dehors, par 
exemple)

Versets 6 et 7 :       
L'homme libéré a résolu ces incompatibilités apparentes. Il a conscience de la
suprême Unité.

Verset 8 :    
Le Soi gouverne tout ce qui est.

Versets 9 à 14 : 
Lorsqu'ils sont dépassés, l'ignorance et la connaissance, le devenir et la
dissolution, permettent à l'être éclairé d'accéder à la Connaissance suprême -
donc à l'Immortalité.

Versets 15 et 16 :
Les reflets les plus lumineux qui  séduisent ne sont que des reflets masquant le
Divin qui en est la source.

Versets 17 et 18 :  
L'Energie  - dynamisme divin - peut nous permettre d'atteindre la Vérité si nous
nous soumettons à Elle.


Le message :

Le monde et le Divin offrent une unité d'essence parce que le Divin imprègne tout. Nous pouvons donc vivre activement en ce monde tout en vivant dans et pour le Divin.

Ses implications pour nous :

Evitons déjà cette erreur : séparer le monde et le Divin. Le Divin ne se réduit pas au monde mais il l'"habite" car le monde procède de Lui (un peu comme le peintre "habite" le tableau qu'il a peint). Pourquoi, dès lors, penser que se soustraire au monde est la condition nécessaire pour trouver le Divin ? Notre vie, ici-bas, maintenant, là où nous sommes, est "en Lui" ("en Dieu" dirait un chrétien : "le royaume des Cieux est au-dedans de vous", dit le Christ).
L'apparence des choses (la beauté que recherchent les arts, la vérité que recherche  la science) est déjà une manifestation du Divin que nous recherchons sans en avoir forcément conscience.

Tout comportement humain, même le plus apparemment aberrant est manifestation de cette quête : le drogué, le viveur, le séducteur impénitent manifestent, par leur comportement même, ce désir d'atteindre l'absolue Félicité. Mais s'ils en restent à ces moyens, ils stagnent dans l'erreur, l'ignorance (avidya). Pour éviter l'impasse il convient d'aller au-delà de cette expression grossière de la soif d'absolu qui se limite à la volonté de possession.
"Détache-toi et jouis", dit le 1er verset de l'Upanishad. La contradiction n'est qu'apparente : en fait, elle nous suggère d'aimer ce que nous offre le monde (même ce qu'il offre de plus matériel) donc de nous "émerveiller" - ce qui suppose une conscience profonde que ce qui nous fait jouir est plus que ce qui nous fait jouir. Prenons l'exemple de cette attitude consistant à acheter un objet qui nous plaît : est-ce la valeur marchande de l'objet, qui fait notre plaisir ? Si nous prenons conscience de cela, si nous réalisons que la joie est en nous et non dans l'objet, viendra peut-être alors le jour où nous n'aurons plus besoin de posséder l'objet. C'est ce que nous expérimentons lorsque nous admirons un tableau de maître : il nous réjouit profondément sans que nous ayons besoin de le posséder. Si nous généralisons ce type de renoncement nous sommes alors mis face à face avec le seul "émerveillement" qui n'est plus volonté de possession.

A un degré encore supérieur, nous pouvons être amenés à voir le Divin en tout : dedans et dehors, comme dit l'Upanishad. Etant sans cesse et partout relié à Lui aucun besoin de possession ne vient alors nous séparer de la Source à laquelle nous pouvons nous abreuver directement, sans passer par un intermédiaire (chose ou être) qui fait forcément écran. On comprend alors que voyant "le Soi dans tous les êtres et tous les êtres dans le Soi", la haine, la souffrance et la peur deviennent impossibles à celui qui a réalisé.
Seulement l'intériorité est souvent recherchée à l'extérieur : le drogué la recherche dans la drogue, l'artiste dans son œuvre, le politique dans le pouvoir, l'homme d'affaire dans l'argent, l'intellectuel dans les livres, etc. Si l'individu prend conscience que l'intériorité et la félicité qui l'accompagne ne sont pas en dehors de lui-même, apparaît alors une autre démarche. Celle-ci commence par le renoncement à cette recherche effrénée d'un bien extérieur - qu'il soit concret ou abstrait. Non pas renoncement volontaire, crispé, mais lâcher-prise s'imposant de lui-même. Le but poursuivi apparaît alors dans sa simplicité car il n'est pas matériel : il est d'ordre spirituel ; il n'est plus à rechercher "à l'extérieur" ; il n'est même pas à rechercher : il est déjà en moi. Reste alors à "réaliser" cela.

Voilà pourquoi l'attachement aux biens de ce monde peut-être le début de la sagesse. Voilà aussi pourquoi les plus avides, ceux qui tendent toute leur énergie dans cette quête mal orientée peuvent devenir les plus grands mystiques. L'erreur serait de croire que lâcher prise s'obtient en ne "faisant rien", en attendant que cela se fasse tout seul… Paradoxalement, ne "rien faire" (= la paresse !) est encore un "faire" mal orienté. En revanche "laisser faire", est un "faire" qui peut mener au non-faire. C'est un exercice  consistant par exemple à observer le souffle en nous, à laisser se dire en nous un mantra, etc. Nous rejoignons là les exercices propres aux différents yoga ou à bien d'autres disciplines d'investigation spirituelle.


                                                                                                   G D




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