Mundaka Upanishad (La traduction de référence est celle revue par J. Herbert et contenue dans Trois Upanishad de Shrî Aurobindo, Albin Michel)
La
Mundaka Upanishad est rattachée à l'Atharva-Veda. "Mundaka" désigne
l'homme tonsuré (moine renonçant au monde).
Deux oiseaux qui disent beaucoup...
Les idées contenues dans cette
Upanishad :
Premier
Mundaka
Chapitre I
Versets 1 à 4 : Brahmâ transmet le
premier ce qu'est le Brahman. C'est le sage Angiras qui déclare double la
nature de Sa connaissance : inférieure et supérieure.
Versets 5 à 9 : la connaissance
inférieure est de type intellectuel, mental. La connaissance supérieure est
celle par laquelle on connaît l'Inconnaissable (cf. la Kena Upanishad) de qui
procède le foisonnement de la création : tout est issu de Lui.
Chapitre
II
Versets 1 à 7 : les œuvres, le
sacrifice rituel, sans être inutiles, ne suffisent pas à atteindre
l'Immortalité.
Versets 8 à 10 : croire que les œuvres
constituent l'accès suprême au "Paradis" (= la Connaissance) est
ignorance pure.
Versets 11 à 13 : en revanche, l'ascète
qui ne s'attache pas au monde phénoménal (auquel appartiennent les rites), le
sage qui agit en vue d'une transformation de tout son être, celui-là peut
connaître Brahman.
Deuxième mundaka
Chapitre
1
De l'Esprit divin naît l'univers
physique, vital, mental et tout ce qui s'y rattache. Le principe premier de cet
univers est en nous : celui qui le réalise est libéré (verset 10)
Chapitre
2
Versets 1 à 4 : Tout ce qui vit procède
de Brahman. Pour L'atteindre nous devons utiliser toutes nos facultés
d'énergie, de pensée, d'adoration, nous faire à la fois archer, arc et flèche,
nous perdre dans la cible - nous fondre en l'Eternel.
Versets
6 à 11 : l'Eternel est en tout mais demeure au-delà de tout. Tout est
Brahman.
Troisième mundaka
Chapitre
1
Versets 1 et 2 : apologue des deux
oiseaux. L'un mange les fruits de ce monde phénoménal ; l'autre observe : c'est
l'âme qui est du côté de l'Essence.
Versets 3 et 4 : celui qui connaît le
Seigneur n'est plus impliqué par l'agir qui lui devient dès lors inutile.
Versets 5 et 6 : cet état libéré se
conquiert par la quête de la Vérité et par une vie sainte.
Versets 7 à 10 : seule la pureté
absolue permet de contempler l'invisible Suprême en Soi (= Âtman).
Chapitre
2
Versets 1 et 2 : la connaissance de
Brahman suppose l'absence de désirs.
Versets 3 à 6 : elle ne peut s'acquérir
par l'intelligence ni par la passivité ni par les austérités artificiellement
imposées mais par l'effort juste et le renoncement. La libération est à ce
prix.
Versets 7 à 11 : l'homme libéré - le
sage - rejoint le Suprême, se fond en Lui et acquiert l'ultime délivrance.
Le message
Par l'action (mais pas pour l'action), grâce à la vigilance
(être conscient du "je suis") je peux réaliser l'Être qui est en moi.
Je dois pratiquer la discipline tout en sachant que celle-ci ne m'attire aucun
mérite ; mais elle épuise mon désir d'action. Je dois méditer tout en sachant
que la méditation n'est pas tout ; elle m'aide à prendre conscience de ma
véritable nature. Si je découvre cette nature (Brahman) je suis alors libéré de
toute limitation, de toute peur.
Sa portée
Dans cette Upanishad comme dans
les deux précédentes (surtout la Kena) apparaît la question on ne peut plus
métaphysique et centrale du Brahman et de l'Âtman.
Le Brahman c'est l'Être pur, la
Réalité ultime, non affectée, inconnaissable. Omniprésente elle est donc en
nous et prend le nom d'Âtman. En prendre conscience nous permet de prendre
conscience du Brahman et ainsi de nous libérer des erreurs dans lesquelles
l'ego (qui masque cette véritable nature) nous précipite.
L'Âtman n'est pas le moi empirique, ni la personnalité
phénoménale ou sociale. C'est en fait le Soi,
source impersonnelle de la personnalité, substrat subconscient des
phénomènes de la conscience. Le Brahman est donc lui aussi un subconscient "qui ne pense pas par le
mental et par quoi le mental est pensé" (Kena Upanishad).
Ce subconscient ne peut être que sujet et jamais objet de connaissance. C'est pourquoi les Upanishad le définissent plutôt
négativement : il est être sans
qualificatifs. C'est pourquoi l'esprit (le mental, l'intelligence) ne peut le
nommer, l'exprimer, l'observer. Il ne peut que le saisir intuitivement,
s'immerger en lui, se fondre en lui en une communion de nature mystique.
Se fondre dans le Brahman c'est
rejoindre l'Essence de tout ce qui existe (= de ce qui est "hors de"
lui). Les catégories habituelles ("dehors-dedans",
"bien-mal", etc.) sont alors transcendées et, pour le voyant, pour le
sage, n'existent plus ni personnalité,
ni monde extérieur. La conscience individuelle a pénétré la subconscience
cosmique. Le salut (moksha) est alors
atteint : l'Âtman s'est identifié au Brahman (s'est reconnu comme étant lui,
pourrait-on dire). Dès lors l'engrenage du karman cesse de fonctionner.
On retrouve une idée centrale de
la Bhagavad-Gîtâ : le rôle de l'action ("œuvres"). Celle-ci doit
rester un moyen et ne pas devenir une fin. Chaque action est un véhicule
assurant notre traversée vers l'Être, une flèche tendant vers la cible ultime.
Pour agir sans nous enfermer dans
l'action, les rites, les prières, les bienfaits, etc., il nous faut être très
vigilants. C'est-à-dire attentifs à la
présence de l'Être en nous. Pour que soit mise en évidence cette présence, il
faut nous mettre en mouvement, agir afin de l'actualiser dans notre manière
d'exister avec autrui. En effet, tant que nous ne sommes pas libérés nous ne
pouvons pas ne pas agir. Nous sommes forcément dans la dualité. A nous
d'utiliser cette dualité pour aller vers l'union, l'unité. Cela paraît absurde
mais ne l'est pas car le Divin est déjà en nous et notre séparation d'avec Lui
n'est qu'apparente. Cette dualité si douloureusement perçue est issue de
l'unité et nous pouvons l'y ramener par les œuvres (tout le yoga vise cette
restauration de l'unité originelle). L'erreur est de considérer la dualité
comme effective, réelle, inhérente à notre essence même.
L'effort est nécessaire; non pas
comme nostalgie ou comme projet mais comme attitude permanente, inscrite dans
chaque instant. Cet effort consiste essentiellement à nous sentir
"accompagné" en permanence par l'Être qui est déjà en nous et dont
nous pouvons nous rapprocher jusqu'à ce que nous réussissions à l'atteindre -
comme la flèche atteint la cible.
G D
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