Concepts métaphysiques illustrés par des citations de la Bhagavad-Gîtâ
Quelle représentation les hindouistes se font-ils du Divin ? Leur "bible" le dit avec force et poésie...
Traduction de Shri Aurobindo (Ed. A. Michel). Sous chaque chapitre les numéros renvoient aux "sloka" (versets) de l'ouvrage.
1/ LE DIVIN : COMMENT
SE DEFINIT-IL DANS LA BHAGAVAD-GÎTÂ ?
Ch. VII 6 "Je
suis la naissance du monde entier et donc aussi sa dissolution."
7 "Au-delà de Moi […] rien ne règne suprême."
8 "Je suis la saveur dans les eaux […], la lumière […], Je suis
pranava […], le son […], la virilité dans les hommes."
9 "Je suis pure senteur dans la terre, énergie de lumière dans le
feu […], la vie en toutes les existences […], l'intelligence […],
l'énergie…"
10 "… le germe éternel de
toutes les existences […], l'intelligence […], l'énergie."
11 "… la force du fort
exempt de désir et d'attraction […], le désir qui n'est pas contraire au
dharma…"
19 "… Vâsudeva, l'Être
omniprésent, est tout ce qui est."
24 "Les petits esprits […]
ne connaissent pas Ma nature d'être suprême, impérissable, d'une absolue
perfection."
25 "Je ne suis pas non
plus révélé à tous."
26 "Je connais toutes les
existences passées, présentes et futures […] mais Moi, nul encore ne Me connaît."
Ch. IX 16 - 19 "Moi,
l'action rituelle… le sacrifice… l'oblation… l'herbe qui donne le feu, le
mantra… le beurre… la flamme… l'offrande… le Père de ce monde, la Mère,
l'Ordonnateur, le premier Créateur, l'objet de la Connaissance, la syllabe sacrée
Aum et aussi [les Veda], la voie et le refuge, le bienveillant ami […] le
naissance de l'État et la destruction de l'existence apparente […] la semence
impérissable de tous les êtres…
Je donne la
chaleur, Je retiens et J'envoie la pluie, l'immortalité et aussi la mort,
l'existence et la non-existence Je suis, ô Arjuna."
Ch. X 2 - 8 Le Bienheureux poursuit l'énumération de
tout ce qui procède de Lui : "compréhension… libération de
l'ignorance, pardon et vérité… domination de soi… affliction et plaisir… peur
et intrépidité… gloire et ignominie…"
12 -15 Arjuna comprend cette révélation et reprend par des mots ce qu'il a intégré :
"Tu es le suprême
Brahman, la suprême Demeure, la suprême Pureté, le Permanent unique, le divin
Purusha, la Divinité originelle, le Non-né… toi seul Te connais par
Toi-même."
19 - 42 Le Seigneur énumère la liste de ses Vibhûti (pouvoirs), signes de sa
force divine. L'énumération suit un ordre ascendant. "Je suis le
commencement et le milieu et la fin de tous les êtres… le mental… la conscience…
[les dieux]… Aum… le divin foudre… la vache d'abondance… la lettre A… le Temps…
la mort… la naissance… Krishna… Vyasa… la souveraineté…"
Notons dans cette énumération apparemment désordonnée : "Je suis le silence des
choses secrètes et le savoir de celui qui sait" (38)
Le Bienheureux termine : "Je suis ici en ce monde et
partout, Je supporte cet univers entier avec une parcelle infinitésimale de
Moi-même" (42)
Ch. XI 5 - 31 "Contemple […] Mes
centaines et Mes milliers de formes divines."
Suit alors une nouvelle énumération de ce que Arjuna est capable de
voir :
"Je vois tous les dieux ensemble dans Ton corps… Tout l'espace entre terre
et cieux est occupé par Toi seul…"
Viennent alors des visons "anatomiques" : bouches, mâchoires,
dents puissantes du dieu qui crée, perpétue et détruit.
Ch. XIV 27 "Je suis la
base du silencieux Brahmâ, de l'immortalité et de l'existence spirituelle
impérissable, du dharma éternel et d'une entière félicité de bonheur."
Ch. XV 7, 12 - 19 Retour de définitions déjà énoncées.
Relevons toutefois : "Je suis logé dans le cœur de tous […] Celui qui
n'est pas dans l'erreur et qui me connaît ainsi comme Purushottama (= le Moi suprême) celui-là M'adore avec
une reconnaissance complète."(19)
2/ LE BRAHMAN
Ch. VIII 20 - 21 "[Le]
non-manifesté n'est pas la divinité originelle de l'être ; il y a un autre état
de son existence, un non-manifesté supra-cosmique par-delà cette
non-manifestation cosmique […] qui n'est pas contrainte de périr quand
périssent tes les existences.
On l'appelle le
non-manifesté immuable…"
Ch XIII 13 "Le
Brahman éternel suprême qu'on n'appelle ni Sat (existence) ni asat
(non-existence)."
13-18 "… Il emplit et
enveloppe ce monde entier. Il est l'Être universel et nous vivons dans son
embrassement […] Tous les sens et leurs qualités sont de Lui le reflet, mais Il
est sans eux ; Il est non-attaché, et cependant de tout le support ; Il jouit
des gunas, quoique non-limité par eux.
Ce qui est en nous est Lui
[…] Il est l'indivisible et Il est l'Un, mais semble Se diviser en formes et en
Créatures, et apparaît comme chacune des existences distinctes. Tes choses
éternellement naissent de Lui, sont maintenues en Son éternité, éternellement
reprises en Son unité…
Il est la connaissance et
l'objet de la connaissance. Il siège dans le cœur de tous."
Ch
XIV 4 "Quelles que soient les
formes produites par quelque matrice que ce soit […] le Mahat Brahman est leur
matrice…"
Ch. XV 11 "Les yogins
qui s'efforcent voient en eux-mêmes le Seigneur ; mais les ignorants, bien
qu'ils s'y efforcent, ne Le perçoivent pas…"
3/ LE
DIVIN EN L'HOMME
Ch. X 20 "Je suis
[…] le Moi qui siège au cœur de toutes les créatures." (= XV, 15)
Ch. XIII 24 "Celui qui
connaît ainsi le Purusha et la Prakriti avec ses qualités, de quelque manière
qu'il vive et agisse, il ne renaîtra pas."
25 "Cette
connaissance vient par une méditation intérieure à travers quoi le Moi éternel
devient pour nous apparent dans son existence propre."
Les différents yoga sont les voies qui
mènent à cette Connaissance.
30 "Celui
qui voit que toute action est faite en vérité par Prakriti et que le Moi est le
témoin inactif, il voit."
32 "… le
Moi suprême et éternel, non limité par les qualités, le Moi suprême
impérissable, bien qu'il soit logé dans le corps […] n'agit pas, ni n'est
affecté."
Cependant n'importe qui n'a pas accès à
cette vision de la Réalité :
Ch XVII 15 "Ceux qui
font le mal n'atteignent pas à Moi […] car la connaissance leur est dérobée par
Mâyâ…"
25 "Je ne
suis pas non plus révélé à tous, enveloppé que je suis dans ma Yogamâyâ ; ce
monde égaré ne me connaît pas, Moi le non-né, l'impérissable."
D'autres sloka évoquent l'ignorance qui
empêche les hommes de réaliser le Divin (XVI, 18 et XVII, 6 par exemple).
Percevoir le Divin exige de se libérer de Mâyâ, c'est-à-dire
des attachements, désirs, dualités (joie-peine, etc.) comme il est dit en XV,
5.
4/ LE KARMA
A/ L'ETERNITE
Ch. II 12 "… il
n'est pas vrai non plus qu'aucun de nous doive jamais, dans l'avenir, cesser
d'être."
14 "Comme l'âme passe
physiquement à travers enfance et jeunesse et vieillesse, ainsi passe-t-elle à
travers les changements de corps…"
15 " Ce qui réellement
existe ne peut cesser d'exister."
16-27 "… qui peut tuer
l'esprit immortel ? Les corps limités ont une
fin, mais ce qui possède et emploie le corps est infini, illimitable, éternel,
indestructible…
Ceci ne tue pas ni n'est
tué.
Ceci ne naît ni ne meurt […]
L'âme incarnée rejette les
vieux corps et en revêt de nouveaux […] Stable éternellement, immobile,
pénétrant tout, elle est pour toujours et à jamais.
Elle est non-manifestée,
elle est impensable, elle est immuable […] Car certaine est la mort pour qui
est né, et certaine la naissance pour qui est mort ; c'est pourquoi ce qui est
inévitable ne devrait te causer d'affliction."
Mêmes idées : VII, 26 ; VIII, 19 ; XIV, 19.
B/
PROCESSUS
Ch. VI 41 - 43 "…
celui qui tomba du yoga renaîtra dans une maison de purs et de glorieux. Ou bien il
peut renaître dans la famille du sage yogin […] Là il recouvre l'état mental
d'union (avec le Divin) qu'il avait réalisé dans sa vie précédente ; avec quoi
de nouveau, il s'efforce vers la perfection […] Par sa pratique précédente il
est irrésistiblement poussé…
Ch. VIII 6 "Quiconque à la fin abandonne le corps,
attachant sa pensée sur quelque forme d'être, celui-là atteint […] à la forme
dans laquelle l'âme croissait intérieurement, à chaque instant, dans sa vie
physique."
Ch. XVI 19 "Ces orgueilleux qui haïssent [le bien et
Dieu], mauvais, cruels, les plus vils parmi les hommes de ce monde, Je les
jette sans cesse en de nouvelles naissances asuriques."
C/ SORTIR DU SAMSÂRA
Ch.
VII 19 "Après de nombreuses naissances, l'homme de connaissance
atteint à Moi. Très rare est la grande âme qui sait que […] l'Être omnipotent
est tout ce qu'il est."
Ch. VIII 15 - 19 "…
ces grandes âmes ne reviennent pas à la naissance, condition transitoire et pénible de notre être mortel…"
"…il
n'est point imposé de renaissance à l'âme qui vient à Moi." (cf. aussi VII, 30)
Ch. XIV 14 "Si l'incarné s'en va à la dissolution
quand sattva domine, alors il parvient aux mondes sans tache de ceux qui
connaissent les principes suprêmes."
15 "Celui qui s'en va à la dissolution quand
prédomine rajas renaît parmi ceux qu'attache l'action ; s'il se dissout pendant
que croît tamas, il renaît dans les matrices d'êtres enveloppés de
non-connaissance."
Assez proche : l'opposition entre
"dévique" et "asurique" : XVI, 6 à 20.
Ch. VIII 23 - 26
"Le moment où les yogins partent pour ne pas revenir, et aussi le moment
où ils partent pour revenir, ce moment, Je vais te le dire […] Ceux qui
connaissent le Brahman vont au Brahman, mais par le second le yogin atteint
"la lumière de lune" et retourne ensuite à la naissance humaine.
Ce sont
deux voies, la lumineuse et la sombre […] Le yogin qui les connaît n'est induit
en aucune erreur…"
G D
G D
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