"Nous pensons qu'il y a quatre
types de renaissance. Le premier […] est celui d'un être incapable de décider
[…] Il s'incarne uniquement en fonction de ses actions passées. A l'opposé se
trouve celle d'un Bouddha pleinement illuminé, qui manifeste simplement une
forme physique dans le but d'aider les autres […] La troisième catégorie
comprend l'être qui, grâce à des réalisations spirituelles antérieures, est en
mesure de choisir, ou au moins d'influer sur le lieu et les conditions de la renaissance.
Enfin, le quatrième type est appelé la manifestation bénie. En ce cas, la
personne reçoit une influence qui lui confère le pouvoir, surpassant ses
capacités ordinaires, d'accomplir des fonctions bénéfiques telles que
l'enseignement de la religion." (Tenzin
Gyatso, le Dalaï-lama actuel)
Historiquement parlant…
Disons-le d'emblée, le
Christianisme actuel fait figure d'exception. La croyance en la réincarnation
remonte probablement au chamanisme. En Égypte le dieu Thot décide si les âmes
doivent revenir sur terre en vue de se perfectionner. En Grèce, à Rome, chez
les Celtes, parmi de nombreux peuples indiens d'Amérique, dans certaines tribus
d'Afrique et, bien sûr, en Asie (hindouisme, bouddhisme, taoïsme…) la transmigration
des âmes est une croyance acquise. Stipulons au passage que la kabbale juive, le soufisme musulman et
certaines mystiques chrétiennes (Plotin, Denys l'Aréopagite, Maître Eckhart)
intègrent parfaitement cette croyance.
Scientifiquement parlant…
Pour la science occidentale, un électroencéphalogramme
plat prouvant que le cerveau n'a plus d'activité, est le signe scientifique de
la mort. Mais l'affirmation selon laquelle "plus rien ne se passe"
n'a rien de scientifique… Il s'agit là d'une notion qu'on peut considérer comme
primaire. Ce n'est pas parce que j'ai éteint ma lampe qu'il n'y a plus
d'électricité dans le fil. On a suffisamment répertorié de cas de personnes
revenues à la vie après une mort apparente pour être certain qu'il se passe
"quelque chose". Biologiquement rappelons que le fœtus
"meurt" au monde liquide et migre dans un autre univers. Que, dans
notre vie d'adultes nos cellules meurent et renaissent et que, par conséquent,
nous habitons un corps sans cesse différent.
Le point de vue hindouiste : Samsara et karma
Samsara est le terme indien désignant la longue route, le cycle des
morts et des renaissances successives. Le karma
est le principe de cause à effet selon lequel chacun récolte ce qu'il a semé.
Tout acte entraîne des conséquences heureuses ou malheureuses - on
l'expérimente sans cesse. Ainsi, tant que notre ego nous maintient dans
l'ignorance de ce qu'est la réalité et continue de nous soumettre à notre
orgueil, à notre avidité, à nos colères, etc. nous ne pouvons échapper à la
succession des renaissances. Il est possible de se préparer des vies meilleures
en évitant de se soumettre à nos tendances négatives et en transformant
égoïsme, jalousie, avarice, etc. en compassion, pardon, générosité… Mais seul
un acte accompli sans désir donc sans attente (ce qui est rare !) ne
"fabrique" pas du karma. Nos retours sur terre prendront fin lorsque
nous nous serons débarrassés de l'ego - ce que réalisent certains sages. C'est
ce qu'on nomme "délivrance", "libération",
"éveil" (ou "nirvâna" dans
le contexte bouddhique).
Cette loi est en soi d'une
logique imparable : quoi de plus naturel que cette juste rétribution de tous
nos actes ? Elle préserve notre liberté de choix. Sur le fond elle n'a rien de
choquant, même aux yeux d'un chrétien, puisque toute vie spirituelle prône non
l'acquisition, l'accumulation, le renforcement des tendances de l'ego, mais au
contraire le dépouillement, le détachement et l'ouverture à autrui et au
"souffle" (donc à l'Esprit).
A-t-elle un rapport avec la
survivance des castes indiennes ?
Les castes n'ont rien de notre
organisation sociale. Des parias peuvent être milliardaires et des brahmane (la plus haute caste, celle des
prêtres) misérables. Si les parias eux-mêmes (les intouchables) ne tiennent pas
à la suppression effective des castes (pourtant officiellement abolies) c'est
qu'ils sont souvent convaincus que les souffrances qu'ils endurent, pour peu
qu'ils se conduisent bien durant cette vie, les mèneront rapidement vers une
existence future nettement plus enviable. Supprimer les castes serait, de leur
point de vue, anéantir les "bénéfices" déjà acquis par les
souffrances endurées.
Du côté tibétain : Le Bardo Thödol, Livre
des Morts
Contrairement à ce qu'on pourrait
penser, l'attitude des Tibétains face à la mort n'a rien de mystique : la mort
est aussi "expérimentale" qu'un voyage dans l'espace physique. Ils
ont a disposition des récits à leurs yeux aussi dignes de foi que des récits de
voyageurs. Leurs méthodes de méditations leur permettent de retrouver le
souvenir de leurs vies antérieures. La vie ne pouvant être issue du néant elle
ne peut y retourner. Chacun, suivant la connaissance acquise de soi-même peut
intervenir sur le destin qui l'attend. De ce point de vue, la mort est pour eux
l'occasion à saisir pour un avenir bien meilleur. D'où la nécessité de
connaître parfaitement les diverses phases du "passage" afin de les
traverser lucidement et de les mettre à profit pour ses existences suivantes.
Des preuves ?
- Les très nombreux témoignages
des Tibétains dont les chefs spirituels (à commencer par le Dalaï-lama) donnent
des pistes pour que soit retrouvé l'enfant en qui ils seront réincarnés (tulku). Les tests qu'on fait subir à ces
enfants semblent exclure toute possibilité de supercherie ou d'erreur.
- Nous avons évoqué le souvenir des
personnes déclarées cliniquement mortes et qui sont revenues à la conscience.
Leurs témoignages concordent souvent : tunnel, lumière, êtres proches parfois
ou êtres de lumière, retour - malgré l'envie de demeurer dans cet état de
béatitude... On s'en doute, ces
phénomènes ne sont pas considérés comme des preuves irréfutables par un certain
nombre de scientifiques car assimilés à des réactions purement biochimiques du
cerveau.
- Les témoignages spontanés de
personnes, témoignages formulés en toute conscience. L'un des premiers
scientifiques à s'être intéressé à eux est le docteur américain Ian Stevenson
(né en 1918) qui a examiné de très près plus de trois mille cas et, en 1960, a
publié un ouvrage dans lequel il fait le récit des enquêtes longues et minutieuses
qui l'ont amené à la conviction que la réincarnation est un fait, selon lui,
indiscutable. Il constate que les enfants parlent beaucoup de leurs vies
antérieures puis, qu'avec l'âge, le souvenir s'estompe et, souvent, disparaît.
- Les diverses méthodes de "régressions" (dont le lying, méthode hindoue ancienne, adaptée
par Swâmi Prajnanpad et abondamment évoqués dans leurs ouvrages par Denise et
Arnaud Desjardins) qui permettrait de remonter dans les vies antérieures. Le
but du lying est de dégager la voie
spirituelle entravée par des blocages psychiques appartenant le plus souvent à
une vie passée (75 sujets sur 88, précise Denise Desjardins). On a objecté que
ce retour dans le passé était une plongée dans la mémoire collective engrangée
dans nos molécules d'A.D.N. (et qui portent en elle la mémoire de notre
humanité). Comment se fait-il alors que certaines régressions puissent
permettre à celles ou ceux qui les ont vécues de guérir de traumatismes
psychologiques dont l'origine se situe bien avant leur vie actuelle ?
- L'analyse des rêves. Un rêve
qui se répète, dont le cadre, toujours le même, est d'un réalisme troublant et
dont la situation, dépourvue d'étrangeté, est également toujours semblable,
s'avère être parfois le moyen permettant au sujet d'accéder à un lieu et à des
événements vécus par lui en un temps révolu. Les exemples semblent abondants.
- La xénoglossie, ou faculté de
parler une langue étrangère sans l'avoir apprise. Dominique Lormier cite le cas de ce médecin
de New-York (années 1930) dont les jumeaux parlaient entre eux une langue
étrangère inconnue. Emmenés au département de langues étrangère de l'université
de Columbia il s'avéra que les bambins parlaient… l'araméen !
Dans le doute…
Un dicton tibétain dit : "Ne te pose pas de question sur tes
vies antérieures, contente-toi de considérer avec attention ta forme corporelle
présente ! Ne te pose pas de question sur tes vies futures, contente-toi
d'observer ce qu'il y a dans ton esprit maintenant !"
Qu'on accepte ou non le principe
de la réincarnation ; qu'on croie plutôt à la résurrection chrétienne, dans un
cas comme dans l'autre, notre comportement, suivant qu'il est exécrable ou
exemplaire, risque de déterminer la suite de notre aventure existentielle… Sur
le fond, sachant cela, nous pouvons tout à fait ignorer ce qui, finalement, ne
saurait constituer un "problème" et nous appliquer à vivre aussi juste que possible, ici et maintenant.
Pour aller plus loin : de nombreux ouvrages – plus ou moins
sérieux – existent. On lira avec
intérêt le livre de Jean Herbert : Spiritualité hindoue (éd. Albin Michel,
collection "Spiritualités vivantes") qui aborde entre autres le sujet
sous l'angle de l'hindouisme.
[1] Le Seigneur du Lotus blanc, C.B.
Levenson, Livre de Poche n° 6778, pp. 206-207
[2]
Les juifs hassidiques ont même l'équivalent des bodhissatva bouddhistes qui acceptent de se réincarner pour aider
tous ceux qui souffrent : les zaddikim.
[3] Les Vies antérieures, Dominique Lormier,
Le Félin, 2004, p.102
[4] Le Livre tibétain des Morts, R. Thurman,
Livre de Poche n° 14332, p. 57
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire