Rencontre sur le Mékong

vendredi 18 janvier 2013

LES YOGA DANS LA BHAGAVAD-GÎTÂ (1) L'oeuvre

La Bhagavad-Gîtâ : le contenu

Pour aller plus loin et découvrir comment cet enseignement peut transformer radicalement le sens que nous donnons à la vie (si tant est que nous lui en donnons un), consulter les chapitres du sommaire intitulés : "YOGA : REPONSES A DES QUESTIONS FONDAMENTALES"

Bhagavad-Gîtâ signifie en sanskrit "le chant (Gîtâ) du Bienheureux Seigneur (Bhagavad)" c'est-à-dire  Krishna.
 La Bhagavad-Gîtâ est un épisode du Mahâbhârata (voir dans ce blog les Epopées indiennes) . La Bhagavad-Gîtâ correspond à 18 chapitres.
Elle fait en principe partie de la smriti mais les Krishnaïtes lui accordent la même autorité qu'au Veda.
Elle se présente comme une révélation de Krishna (en tant qu'avatar de Vishnou) à Arjuna.



Les plus grands sages l'ont commentée :

Shankara fondateur du Vedanta a composé un Gîtâbhâsya.
Râmânuja (11ème s.) et Madhva 14ème s. ont laissé eux aussi un important commentaire du texte sacré.
Râmakrishna (1834-1886) fonda en grande partie sa spiritualité sur la Gîtâ, et la mission Râmakrishna, (fondée en 1866) continue d'oeuvrer dans le monde 
Shrî Aurobindo (1842-1950), alors qu'il était en prison (du fait de ses activités nationalistes) en 1919, eut la vision de son union avec le Krishna de la Gîtâ. C'est alors qu'il se retira à l'ashram de Pondichéry. Lui aussi écrivit un commentaire de la Gîtâ (édité chez Albin Michel).

Résumé de la Bhagavad-Gîtâ

Le roi aveugle Kuru, qui règne en ce temps sur ces contrées, devenant vieux
décide de donner son trône non à son propre fils mais au fils aîné de son frère, le jugeant plus apte à régner selon les principes de droit et de la justice. Blessé par cette décision, son fils, par ruse et trahison, a quand même pu s'emparer du trône paternel et décide d'anéantir son rival de cousin par tous les moyens.
Un roi chevalier Shri Krishna (qui se révélera d'incarnation divine) ami des deux camps, essaye de dissuader les Kaurava de mettre à exécution leurs mauvais desseins mais, la guerre devenant inévitable, il offre alors son aide aux deux camps. A l'un, il proposera le don de sa propre armée et à l'autre sa personne mais sans combattre. Il ne conduira que le char de combat de celui qui le choisira.
Arjuna, valeureux chevalier, dirigeant l'armée des Pandava, choisit sans hésiter la personne de Shri Krishna. Le camp adverse se voit rassuré de la naïveté d'Arjuna et reste persuadé de sa suprématie surtout avec l'appui de l'armée de Krishna.
Ainsi, Krishna, le Divin incarné, devient l'aurige du valeureux guerrier Arjuna et conduit son char entre les deux armées, prêtes à s'élancer l'une contre l'autre pour un combat sans merci.
Dans ces moments ultimes qui précèdent l'affrontement, Arjuna voyant ses proches, ses compagnons d'arme, ses instructeurs, ses parents dans le camp adverse, liés par leur serment d'allégeance, est submergé par une vague d'émotion à l'idée qu'il devra les combattre et les tuer. A ce moment crucial où il doit diriger l'armée et les hommes qui sont sous ses ordres pour leur victoire, il est saisi de doute.
S'instaure alors un dialogue entre le chevalier et son aurige et, à travers cet échange de paroles, toute une série de thèmes d'ordre moral et philosophique sont abordés et forment l'enseignement prodigué par le maître à son disciple sur l'ensemble de ce sujet

La non-violence

 La Bhagavad-Gîtâ  se déroule dans une atmosphère guerrière. Elle s'ouvre au chant I par le tableau des deux armées face à face, en ordre de bataille. On pourrait s'en étonner, parce que l'Inde est traditionnellement associée à l'idée de non-violence.
En fait, la relation de l'hindouisme à la violence est plus complexe.
La non-violence (ou plus exactement la non-nuisance, ahimsâ) est plus précisément le devoir des brahmanes, et d'eux seuls. Certes, cet idéal s'est étendu à l'ensemble de l'Inde. Mais la deuxième caste, au contraire, avait un devoir de violence, c'est celle des kshatriya qui détenaient le pouvoir politique.
Si l'Inde a connu très peu de conflits religieux à l'intérieur de l'hindouisme, c'est précisément à cause de cette stricte séparation des rôles : la politique aux kshatriya, et le rite aux brahmanes. Les brahmanes n'ont jamais détenu à aucune époque le pouvoir politique, ni ne l'ont recherché. Le seul pouvoir dont ils ont joui, c'est le pouvoir religieux.

Structure narrative [1]

Rappel de la situation : Le royaume de KURU est l’enjeu de la lutte qui oppose les KAURAVA et les PANDAVA qui ont dû s’exiler pour 12 ans. Les KAURAVA refusent de restituer aux PANDAVA leur royaume.


Ch. I
KURUKSHETRA

Le champ de bataille (Kuru) c’est aussi le champ du dharma (conflit entre l’obligation d’accomplir son "devoir" et rien d’autre…
Arjuna, après une dernière tentative de conciliation, en bon kshatriya, accepte le combat. Alors que Duryodhana a demandé à Krishna son armée, Arjuna l’a demandé lui, et "rien d’autre". Arjuna savait abstraitement à qui il serait confronté ; mais là, il réalise vraiment. Perdant ses moyens, il est submergé par un tragique dilemme : renoncer ou se battre. C’est le sujet de ce chapitre.
Sa compassion est telle, qu’abattu, il en arrive à souhaiter la "non victoire", préfère mourir.
Cette chute va faire jouer à Krishna le rôle de "guru".
Ch. II
UTTIHTA !
(DEBOUT !)
La discipline du yoga



Seule l’âme est immortelle


Les devoirs du guerrier
Cf. aussi XI,32-34 et XVIII,43,59…





Arjuna ne sait plus ce qu’il doit faire pour accomplir son devoir (svadharma).
K. vise à le faire réagir, mais ne raisonne pas encore (bon pédagogue !) : il encourage. D’ailleurs, A. ne lui a rien demandé (il faut que l’élève soit prêt !). Et puis, il faut aussi que l’émotion s’apaise.
La stratégie de K. agit. La demande essentielle est formulée. K. va pouvoir parler et aider A. à y voir plus clair. Pour cela, il aborde le problème de biais et non de front (technique du yoga !). Il expose la doctrine du Sâmkhya : seule l’âme est immortelle. Tout a une fin mais pas le Ddivin. Donc A. doit se battre sans se lamenter. Les répétitions montrent la technique – et la patience – du Maître…
Le devoir du guerrier est de combattre. S’il meurt il sauve son âme. Il est essentiel que chacun accomplisse son devoir.
Mieux vaut un peu de dharma que pas de dharma du tout ! A. est abattu mais écoute. K. poursuit avec d’autres arguments :
·       maîtrise des guna, des dualités
·       renoncement aux fruits de l’action mais pas à l’action
·       équanimité dans la réussite ou l’échec
·       conscience dans l’acte
·       accession au samâdhi. Stabilité de l’Intelligence
La curiosité d’A. est éveillée
La maîtrise des sens mène à la perfection. Elle évite attachement, colère…
La stabilité, la paix, sont données à qui renonce aux désirs qui empêchent l’Intelligence.
Ch. III
KARMA-YOGA
Comment agir ?





Cf. IV, 34
Arjuna est encore dans la confusion : si la vision claire de l’action est supérieure à l’action, pourquoi agir ?
K. lui explique que les 2 voies sont connaissance et action.
Ne pas agir est impossible (guna)
Croire qu’on peut l’éviter est une erreur : l’inaction est forme d’action.
Pratiquer les œuvres en se libérant de tout attachement est le vrai "sacrifice". Cela fait venir le divin sur la terre.
K. lui-même, qui a tout, agit, mais pour les autres. Il convient donc d’accomplir son svadharma avec ses propres moyens, si humbles soient-ils. Vivre pour accomplir le devoir d’un autre est pire que mourir.
A. semble vraiment captivé. Les questions se font plus précises. Il est plusieurs façons d’agir :
·       avec l’aveuglement de la passion, comme Duryodhana
·       par confusion ou apathie, comme Arjuna
·       avec la claire vision, comme Krishna
Ch. IV
LE SENS DU SACRIFICE
Donc liberté dans l’action (que donne le discernement) avec détachement des fruits. Le résultat ne nous appartient pas.
K. définit sa nature divine. Celui, qui, comme lui, abandonnera les fruits des œuvres, ne sera plus enchaîné.
Offrande des œuvres à Brahman (mêmes matérielles ou celle du prâna, ou de jnânâ). Le yoga est abandon.
Ch. V
LE RENONCEMENT
Arjuna demande quelle est la meilleure voie : yoga ou Sâmkhya ?
Supériorité du yoga des œuvres. Y. et S. visent le même but.
« Je » n’agit pas : seuls mes sens agissent (=pas d’attachement)
L’abandon des fruits garantit la paix.
Connaître Brahman est possible si on se détache du plaisir ou du déplaisir liés au monde extérieur.
Ekagrata, prânâyama, maîtrise des sens = paix.
Ch. VI
RECUEILLEMENT ET MAITRISE DE SOI
Développe la fin du ch. V
Le moi supérieur aide à conquérir le moi inférieur.
Calme, maîtrise des sens, équanimité, pratique… permettent le yoga.
Nécessité de la modération, de la constance, de la concentration, du calme mental.
Arjuna est épouvanté par la difficulté (calmer le mental). Il suffit de fournir les efforts appropriés : pratique constante, non-attachement.
K. rassure A. : tout est donné à qui "s’abandonne à Moi".
Donc : évolution logique du yoga des œuvres au yoga de la dévotion.
Ch. VII
CONNAISSANCE INTUITIVE
Les deux natures

Synthèse dévotion-connaissance
K. explique à A. comment atteindre la Connaissance suprême de la vraie nature du Divin (Purushottama, l’Etre suprême)
Rien n’existe hors de Lui.
Tout est divin
Parmi les bhakta, les meilleurs sont ceux qui se consacrent tout entier au Divin.
On peut L’adorer à travers une forme, mais Il est sans forme.
Ceux qui connaissent le Divin sont libérés.
Ch. VIII
LE DIVIN SUPREME
OM l’impérissable
Arjuna pose des questions très précises concernant le Divin, la mort…
Celle-ci permet la libération de l’âme (OM)
La libération suprême (sans renaissance)
Le non-manifesté
Ch. IX
RAJA-YOGA
Tournant décisif : K. va ouvrir l’esprit d’A. à la Connaissance de la Divinité intégrale et le mener à la conscience de sa Mission.
A. doit savoir qu’il est instrument de l’Action divine.
Le Divin est partout et n’est enchaîné par rien.
Ceux qui sont dans l’erreur ne le voient pas dans leur prochain, mais ceux qui pratiquent l’oblation intérieure le voient en tou et tous.
Ceux-là ne peuvent périr.
Ch. X
LA PAROLE SUPREME DE LA GITA
Les manifestations divines
« Celui qui me connaît connaît le non-né »
Toutes les existences sont des devenir du Divin.
A.     répète comme pour s’en pénétrer les différentes natures du Brahman.
Il demande à K. de lui parler de son yoga. K. s’exécute et énumère : il est le Veda, océan, arbres…. commencement, fin et milieu.
Il est ici et partout.
Ch. XI
LE DIEU SE MONTRE
Arjuna n’est pas encore sorti du mental. il désire voir le "corps divin" de K.
K. se montre à lui dans sa splendeur divine. A., stupéfié, encore davantage quand K. lui révèle être le Dieu lui-même.
Arjuna n’est donc qu’instrument et doit en venir au combat.
Il salue son Dieu.
Ch. XII
QUEL YOGA ?
Arjuna ne sait quelle voie est la meilleure : jnâna, bhakti ?
Les diverses voies sont résumées. Le bhakti s’avère être le plus important.
Ch. XIII à XVII

Guna


Le figuier cosmique



Etres divins et démons

Influence des guna
K. reprend des détails de ce qui a déjà été dit.

Il définit les 3 guna au-dessus desquels l’âme doit s’élever pour se libérer. Cela est possible par la dévotion complète au Divin.

Les ignorants s’arrêtent aux apparences. Les autres voient le Seigneur.
Purusha et Purushottama.

Nature dévique et nature asurique

Les 3 tempéraments. La triple ascèse.

Ch. XVIII

Le renoncement tracasse encore A.
K. dit à A. qu’il lui a donné le plus haut secret : qu’il agisse maintenant en toute liberté. A. a mûri : il peut maintenant agir seul.
Mais qu’il ne doute pas de Sa protection : Il est prêt à se charger de tout.
Magnifique réponse, définitive : « Je puis enfin dire : que ta volonté soit faite » (= j’agirai selon ta parole)

K. a amené A. a tout comprendre par soi-même. La confiance dans le Maître doit être absolue (ce n’est pas facile car l’ego pousse l’intellect à vouloir tout vérifier).




[1] Ce tableau a été fait à partir de l'édition de la Bhagavad-Gîtâ commentée par Shrî Aurobindo (A. Michel)

                                                                                                G D

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